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et varie ses dialogues avec le médium ; là, c’est toujours le même spectacle, quoique l’acteur soit renouvelé et paraisse grimé et costumé différemment, avec des tirades diverses. Il arrive un moment où l’on a vu tant et tant de ces prestiges, qu’on en est pour ainsi dire blasé.

C’est pourquoi je me garderai bien d’imposer au lecteur l’ennui du compte-rendu complet et détaillé de ces comédies infernales, qui semblent composées toutes sur le même scénario.

Je me bornerai à présenter quelques observations générales et à raconter deux apparitions parmi les nombreuses auxquelles j’ai assisté : l’une de ces deux est celle qui m’a donné la clef de la grosse énigme de Gibraltar.

Le lecteur a déjà eu sous les yeux, dans le tome Ier de cet ouvrage, les principales formules d’évocation, du moins les plus usitées ; mais il en existe bien d’autres. Les livres secrets d’Albert Pike, d’autres rituels des docteurs eu luciférianisme, en fournissent une mine inépuisable. En outre, tout Mage Élu, ainsi que toute Maîtresse Templière Souveraine, a le droit d’en composer pour son usage personnel et celui de son triangle. On a vu même que l’illustrissime Pessina en a fabriqué, notamment pour appeler Beffabuc ; M. Margiotta, notre nouveau compagnon d’armes, possède le rituel complet de l’ineffable Pessina ; il me l’a montré, et il se propose de le publier ; ce sera curieux. Lemmi, à son tour, s’est mis en tête de confectionner un nouveau formulaire ; il est aidé, pour cela, par le fameux Umberto dal Medico ; ce qui m’a été cité est passablement sataniste. On le voit, les ateliers palladiques n’ont que l’embarras du choix.

Dans les triangles, les non-réussites d’appels sont l’exception. Chez les vulgaires spirites, une apparition se produit tout au plus à une séance sur cent ; chez les palladistes, c’est presque le contraire.

D’autre part, l’irrégularité des esprits est remarquable chez les spirites lucifériens aussi bien que chez les autres. Ainsi, tout le monde sait que très fréquemment ce n’est pas l’esprit appelé qui se manifeste, mais un autre qu’on n’avait pas demandé ; ceci a été constaté par quiconque s’est occupé de spiritisme, et non seulement dans les apparitions sous forme spectrale, mais en n’importe quel genre de manifestation de table parlante, d’esprit empruntant l’intermédiaire d’un médium écrivain, etc. Les palladistes ne sont pas à l’abri de ces fantaisies.

Ou bien, il arrive qu’un esprit se montre, avant même la moindre évocation. C’est ce que je vis un jour à Berlin. La tenue triangulaire venait à peine de commencer ; des frères visiteurs entraient encore, quand, après l’introduction d’un groupe d’initiés habitant la ville, mais appartenant à un autre atelier, se présenta un personnage bizarre, vêtu à l’antique, remarquable par sa barbe sale ; il avait tout l’air d’un cabotin échappé d’un théâtre de foire, et l’assemblée le prit d’abord pour tel.