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savez à quoi vous en tenir, et vous pourrez vous-même opérer avec certitude de réussite ; car, étant convaincu à la suite de cette expérience, vous agirez avec la foi dans le succès, et vous obtiendrez l’apparition, comme moi ; votre qualité de catholique n’est pas un obstacle… En effet, vous n’ignorez pas que le plus cher désir de notre Dieu est de conquérir ses adversaires, et vous savez aussi que, Diana et moi, nous prions souvent pour vous.

Je pris congé de lui, nullement convaincu, quoi qu’il ait pu croire. Je ne voulais pas entamer de discussion : ce n’eût pas été la première, et j’avais déjà constaté qu’il est impossible de faire entendre raison à ces enragés. Les prêcher, les sermonner, c’est peine perdue.

Pour moi, ma conviction est que ce n’est pas miss Vaughan qui nous apparut, mais un diable quelconque ayant pris sa forme, ses traits, sa voix. Et je ne puis parvenir à comprendre que ces entêtés palladistes se laissent duper à ce point par ces jongleries infernales. Ce n’est pas cette œuvre de grand-rite qui prouve que miss Vaughan jouit de la faculté de bilocation ; car le raisonnement à tenir est bien simple. Bilocation n’est pas ubiquité ; or, d’après le pacte, c’est à onze heures du soir seulement que la sœur Diana est transportée par Asmodée auprès de n’importe qui l’appelle en procédant selon le cérémonial prescrit ; eh bien, plusieurs palladistes, en différentes villes, peuvent la demander le même jour, tous à la fois, avec la même confiance de la voir apparaître. Ce n’est donc pas elle qui apparaît ; ce sont différents démons, en divers endroits. Ainsi, le prestige a lieu, je n’en disconviens pas ; mais quelle formidable duperie !…

Est-ce à dire qu’il est absolument impossible que miss Vaughan soit, en une seconde, transportée de Moscou à Londres, ou de New-York à San-Francisco, ou même de Calcutta à Buenos-Ayres, par son Asmodée ou tout autre démon ?… Non, je ne dis pas cela. Ce qui a eu lieu pour Cagliostro peut se produire pour la grande-maitresse américaine ; car le don d’extase diabolique, qu’elle possède au plus haut degré, puisqu’elle a le ravissement, établit de façon indiscutable qu’elle est possédée latente. Mais, lors de l’expérience de bilocation à laquelle j’ai assisté, je maintiens que je n’ai pas eu affaire à elle. Si miss Vaughan avait été vraiment là, transportée par le diable, elle aurait été palpable, il me semble ; la canne que je tenais n’aurait pas traversé son corps pour s’arrêter au dossier du fauteuil, et surtout n’aurait pas pris feu.

Quoiqu’il en soit, j’indique le jugement que je porte sur ce cas et sur les cas analogues ; je n’ai nullement la prétention d’imposer ma manière de voir.

Tous ces faits, tous ces prestiges du surnaturel diabolique sont profondément troublants, et dans la possession latente plus que dans toute autre possession. Ici, il est impossible de confondre l’hystérique avec le démo-