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a été élevé dans ces idées, et il n’en démord pas. C’est nous, catholiques, qu’ils accusent de cécité !

Lorsqu’on cause avec ces fanatiques de Lucifer, ils ne se laissent nullement démonter par l’objection qui consiste à leur rappeler les victoires des saints contre leurs « daimons ».

Ce sont des accidents, vous répliquent-ils. Dans leur système, ils admettent que les esprits du feu sont en lutte avec les maléachs, les anges d’Adonaï, et ils daignent reconnaître que « les anges de Lucifer n’ont pas toujours le dessus ».

— Si je voyais, de mes yeux, Adonaï en personne terrasser Lucifer, me disait un jour miss Vaughan, et non seulement le terrasser, mais l’enchaîner et le réduire à une totale impuissance, alors, oui, je croirais à la supériorité d’Adonaï. Mais il n’en est pas ainsi, certes ; tous les jours, je constate la puissance surnaturelle.des esprits du feu, tous les jours je leur vois opérer des prodiges, et il m’est, en conséquence, impossible d’admettre que c’est Adonaï qui veut bien leur tolérer un tel pouvoir… Ce pouvoir, ils le possèdent en vertu de la divinité de Lucifer, et ils le gardent en dépit d’Adonaï. Il y a lutte entre les deux principes, c’est évident ; d’où, ces alternatives de victoires et de défaites pour l’une et l’autre des deux armées du monde surnaturel. Mais, quant à dire que c’est Adonaï qui aura le dernier mot, quant à prétendre que Lucifer n’est qu’un diable, déchainé, grâce à la bénévole permission d’Adonaï, cela, nous ne l’admettons pas.

Et alors, à l’appui de leur thèse, ces aveugles vous débitent toutes les folies du livre Apadno et autres révélations lucifériennes, notamment qu’à cette heure le règne d’Adonaï approche de sa fin et qu’il n’a plus des adorateurs que sur notre Terre et dans le monde d’Oolis, planète d’un soleil inconnu des hommes.

Comment voulez-vous raisonner avec de pareils aveugles ? Excepté un miracle de la grâce, ils sont incurables.

Aussi je n’entrepris pas, ce soir-là, une discussion avec l’ami de miss Vaughan. Je le laissai dire, mais je ne fus pas fâché de l’entendre émettre l’opinion que Diana avait la faculté de venir à l’appel de ses coreligionnaires lucifériens. Je témoignai plus vivement mon doute, afin de mieux piquer son amour-propre de palladiste ; car l’expérience d’un phénomène de bilocation n’était pas banale ; elle méritait bien d’être faite, si vraiment elle avait des chances de réussite.

Mon hôte s’y laissa prendre.

— Demeurez encore, me dit-il, et vous serez convaincu.

Je savais que miss Vaughan était alors à plusieurs centaines de lieues de là.

Il était un peu plus de neuf heures et demie du soir.