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lorsqu’ils battent les assistants en leur apparaissant sous une forme hideuse : on dit alors que ce sont là les esprits du royaume d’Adonaï.

Palacios invita miss Vaughan à démontrer à ces pusillanimes que Lucifer n’avait pas abandonné le parti de Charleston.

— Si le Dieu-Bon n’est plus avec nous, dit-il, la première abandonnée doit être notre sœur Diana, puisqu’elle est l’âme de notre résistance… Notre sœur veut-elle se soumettre à une épreuve de grand-rite ?

— Bien volontiers, fit miss ; je suis certaine de la protection céleste des génies de lumière.

Elle pria un frère servant d’aller lui quérir une voiture ; elle voulait se rendre à son hôtel, pour en rapporter ses talismans.

Son absence fut courte. Pendant ce temps, on commença les travaux d’hermétisme, en récitant en chœur quelques invocations. Bientôt, miss Vaughan revint ; elle tenait à la main un petit coffret plat.

Elle en sortit une superbe rose rouge, d’une fraîcheur merveilleuse, et un mignon tambour de basque. Ce sont les deux talismans dont elle se sert pour l’extase.

Le cercle de bois du tambour est en alizier, dont le nom latin est lotus ; ce cercle est mince, de quatre centimètres de hauteur à peine ; ses petites ouvertures sont garnies de légères rondelles d’un métal inconnu, qui n’est pas le cuivre des tambours de basque ; ces lames métalliques donnent un son de cristal : quant à la peau, tendue sur le cercle de bois, elle est couverte d’hiéroglyphes peints de diverses couleurs ; au milieu, est une étoile d’argent à sept branches, au centre de laquelle on distingue un A en or.

De la main, Diana réclama le silence ; elle était au milieu de la salle. Alors, tous et toutes, debout, attentifs, interrompirent un chant rituel ; on eût entendu voler une mouche.

Miss Vaughan ploya le genou droit et le mit en terre. Elle plaça la rose rouge dans son corsage. Puis, se renversant légèrement en arrière, elle tint un moment, de la main gauche, le tambour de basque au-dessus de sa tête, et ensuite le baissa peu à peu jusqu’à ce que ses lèvres vinssent à toucher l’étoile d’argent.

Elle la baisa doucement. Alors, arrondissant les bras, elle prit le tambour de la main droite et l’agita ; les piécettes métalliques, s’entrechoquant, produisaient un frémissement singulier, une harmonie cristalline étrange. Se renversant complètement en arrière, sans tomber, — comme si elle eût été soutenue par quelqu’un d’invisible, sur le bras de qui son corps aurait été languissamment ployé, — elle jeta le tambour en l’air ; l’objet magique tourbillonna en montant vers le plafond, s’y heurta, et son heurt provoqua un long grondement de foudre lointaine ; puis, il redescendit doucement, doucement, tel qu’une feuille de papier légère supportée par le souffle de la brise ;