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salle l’aspect intérieur d’un temple maçonnique, de proportions gigantesques. Puis, sur la rive opposée de la Mer Morte, on vit apparaître, brillant d’une lumière éclatante, Asmodée, dans toute sa gloire infernale ; frères et sœurs des Onze-Sept le connaissaient bien.

Alors, il ouvrit ses bras, appela Diana d’une voix retentissante, et miss Vaughan, soudain transfigurée, ne s’appartenant plus, marchant d’un pas automatique, alla vers lui et lentement, aux yeux de tous, traversa le lac bouillonnant, ses pieds posant sur la surface des flots, comme si l’onde eût été terre ferme. Il n’y avait aucune illusion à cet égard : Diana Vaughan, les yeux fixés vers Asmodée qui lui tendait les bras, marchait sur l’eau.

Quand elle fut arrivée à l’autre bord, elle se prosterna aux pieds de son daimon protecteur, les baisa ; un coup de tonnerre retentit, Asmodée disparut instantanément, et instantanément aussi la grotte avait repris son aspect primitif ; seulement, Diana était couchée au sommet de la falaise, à la place où tout à l’heure se trouvait le président, et on la distinguait très bien, car son corps était lumineux. Puis, elle sembla se réveiller d’un doux songe ; ses compagnons avaient gravi le rocher pour venir auprès d’elle, et elle redevint comme auparavant. Elle leur dit alors qu’elle se sentait une toute autre femme, qu’elle avait en elle elle ne savait quoi, mais qu’il lui semblait qu’une nouvelle vie commençait pour elle.

Le président expliqua que miss était désormais en état de pénétration pour toujours, qu’elle était définitivement élue du Dieu-Bon, et il la félicita.

La visite au Mammoth Cave se termina sans autre incident.

Ce qui précède est ce qui m’a été raconté ; mais à cela je peux ajouter ce que j’ai vu, de mes yeux vu, c’est-à-dire ce qui m’a fait affirmer, devant M. le commandeur Lautier et d’autres personnes, qu’il y a lieu de classer définitivement miss Diana Vaughan parmi les possédés latents.

Le lecteur à retenu que je me suis ménagé, — et il comprend que je n’ai pas à dire comment, — les moyens de pénétrer encore dans les triangles où je ne suis pas connu, afin de compléter mes enquêtes. On comprendra aussi que je ne puis pas aller n’importe où, ni multiplier les investigations de ce genre ; mais, à la condition de choisir avec soin les ateliers palladiques où je peux pénétrer une fois en passant sans éveiller à la tenue du jour la moindre défiance, à la condition de ne pas me prodiguer, il m’est possible même de dépister complètement la police secrète de Lemmi. Un concours heureux de diverses circonstances me permet d’agir pendant quelque temps encore. Je vais, sans pourtant préciser, en faire connaître une, qui n’apprendra rien à Lemmi, mais qui donnera à mes lecteurs à entendre que je ne cherche nullement à leur en imposer : c’est que je ne suis pas le seul à pouvoir agir ainsi.