Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques semaines après son installation à New-York ; certes, je ne soupçonnais pas alors quel rôle considérable elle jouerait dans les événements qui ont accompagné et suivi l’élection frauduleuse de Lemmi au souverain pontificat de la secte. Tout le monde sait aujourd’hui que le Convent secret du palais Borghèse causa sa venue en Europe et une longue série de voyages dans les principales villes de cette partie du monde. Miss Vaughan, qui était longtemps demeurée dans l’ombre, et dont j’avais été le premier à parler, pour dire sa rivalité avec la Sophia, a conquis du premier coup, par le fait de son énergique opposition à Lemmi, une notoriété universelle ; les journaux de tous les pays du globe ont publié ses faits et gestes, jusqu’à sa retraite, qui a été la conséquence de sa démission, mais retraite dans laquelle l’ardente palladiste ne saurait, j’en suis convaincu, se confiner indéfiniment.

Quoiqu’il en soit, on se rappelle que miss Vaughan, par une lettre datée du 16 août 1893, insérée sur la couverture d’un de mes fascicules en attendant que je la reproduise à l’annexe des rectifications, réclama contre quelques erreurs de date qui s’étaient glissées dans les pages à elle consacrées et contre le portrait donné d’elle dont elle critiquait la ressemblance. « Le reste, disait-elle, lui était indifférent. » Mais notre spirituelle alliée (alliée dans la guerre déclarée à Lemmi) ne donnait pas là tout le fond de sa pensée : en réalité, elle craignait de passer pour adhérer à ma manière de voir en matière de possession, si elle avait rectifié publiquement mon jugement à son égard ; mais, lors de son passage à Paris, en décembre 1893, elle ne manqua pas de me dire : « Mon cher docteur, si vous appelez possédées à l’état latent les personnes qui obtiennent d’elles-mêmes, sans le concours d’un magnétiseur ou d’un Mage Élu, d’être pénétrées par un esprit de lumière, sachez que, depuis un an au moins, je suis autant possédée que Sophia, si ce n’est même à un plus haut degré ». Et, effectivement, j’ai eu la preuve qu’elle m’avait dit vrai. La possession latente peut donc être précédée d’obsession pendant de longues années.

Diana Vaughan est-elle devenue maladive ? a-t-elle été atteinte d’une de ces affections que j’ai nommées tout à l’heure et qui ont souvent l’extase pour conséquence ? Non, elle est toujours en florissante santé, comme lorsque je la vis en 1889 et en 1891 ; en elle, rien de l’hystérique, rien de la névropathe. Du reste, ses pérégrinations incessantes, supportées sans la moindre fatigue, prouvent qu’elle se porte à merveille, de même que sa superbe campagne contre l’intrus du palais Borghèse atteste sa parfaite lucidité d’esprit. Elle pèche par erreur d’opinion religieuse ; mais ce n’est point là une folie, dans le sens médical du mot.

Comment la possession latente s’est-elle déclarée chez elle ? C’est elle-même qui me l’a raconté, le plus simplement du monde, en déjeunant, et