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franchie par certains hypnotisés lorsqu’ils passent du naturel au surnaturel. Comment, en effet, dirai-je avec M. l’abbé Lecanu, pourrait-on soutenir qu’il n’y a rien en dehors de la nature dans le cas de tel magnétisé qui lit à travers l’enveloppe d’une lettre ou la boîte d’une montre, qui entend par les doigts, voit par l’épigastre, comprend la pensée d’autrui, se transporte mentalement en des lieux où il n’est jamais allé et les décrit ?

Or, précisément, pour en revenir aux extatiques, cette dernière faculté est commune à presque tous.

Mais il est bon de savoir qu’il y a plusieurs degrés dans l’extase, et nous allons voir, par le cas de Diana Vaughan, ce qu’est un extatique au cinquième degré.

Le premier degré est purement léthargique ; le corps a perdu momentanément toute faculté et toute sensibilité : c’est l’état des épileptiques et de ceux qui ont aspiré le chloroforme.

Si l’accident léthargique se reproduit fréquemment, à court intervalle, et surtout avec intention, l’extase s’élève d’un degré ; les facultés sensitives sont toujours aliénées, mais la faculté de communication se développe : l’extatique entre en rapport avec un interlocuteur qui le touche : c’est l’état des somniloques et des sujets des magnétiseurs à leur début.

Jusqu’ici, nous sommes dans le naturel.

Au troisième degré, le cas peut être encore naturel ; mais aussi le surnaturel commence parfois à intervenir. À ce degré, l’extatique a des visions, et il peut en rendre compte à son interlocuteur : c’est l’état de clairvoyance des magnétisés, des malades dans le délire de la fièvre, de ceux qui se sont intoxiqués avec le haschisch, l’opium, la belladone, le solanum et autres substances, l’état de certaines ivresses produites par le vin ou le tabac.

Voilà donc la limite du naturel, et il est facile de comprendre quand le surnaturel entre en jeu ; le caractère même de la vision l’indique. D’autre part, tel extatique au troisième degré peut être l’objet des bienfaits divins, comme tel autre peut être le jouet du diable. Il est évident que le ciel ne se manifestera pas aux personnes qui recherchent l’extase dans l’ivresse de l’opium ou du haschisch ni aux professionnels du somnambulisme et encore moins aux vocates procédants. L’extatique angélique est une personne de haute vertu, pieuse ; ce n’est aucun excès, ni la maladie non plus, qui lui vaut cet état où, par moments, dans une sérénité parfaite, elle est en communication avec des esprits célestes. L’extatique diabolique peut, lui aussi, n’être pas un maladif ; mais le plus souvent il a recherché l’extase par des moyens que condamne l’Église, et alors ce sont les démons qui paraissent dans ses visions et communiquent avec lui, soit dans des cauchemars monstrueux, soit dans des rêveries voluptueuses. Le naturel, dans l’extase au troisième degré, est le cas des ivresses ordinaires ou des fièvres délirantes.