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C’est un spectacle auquel assistent les populations des grandes villes, huit jours avant le Ramadan, dans tous les pays mahométans. Le bala des nègres était pareil, à la Martinique, en 1786, lorsque le gouverneur, François de Neufchâteau, l’interdit sous les peines les plus sévères.

« Dans l’Inde, le fakir qui a pu atteindre au degré suprême de la sainteté, c’est-à-dire de l’extase, se prépare par les austérités et les jeûnes à subir l’épreuve du crochet, et se donne en spectacle aux nombreuses populations que les fêtes principales des idoles attirent auprès des plus fameuses pagodes, spécialement aux fêtes du Beïram. Voici de quelle sorte la cérémonie s’accomplit : le saint est dépouillé de ses vêtements, un ministre de l’idole lui applique un coup de paume sur le rein ; il en résulte une enflure subite, dans laquelle on passe un crochet de fer ; puis, au moyen d’une corde et d’une poulie, on enlève le patient à une potence, au haut de laquelle il se livre à toutes les évolutions d’un moulinet agité par le vent, et les processions dévotes passent au-dessous pour recevoir la sanctification. Lorsqu’après plusieurs heures de cet exercice on décroche le patient, un coup de paume fait disparaître l’enflure de son rein et guérit la plaie.

« Au Thibet, le chabéron s’exalte aux chants cadencés des lamas, ses confrères, jusqu’au délire extatique ; puis, il s’ouvre le ventre avec un coutelas, extrait ses entrailles et les laisse reposer sur la table qui est devant lui ; après une heure de cette torture à laquelle il paraît insensible, et pendant laquelle il prophétise et répond aux questions qui lui sont adressées, il remet ses entrailles en place, rapproche les lèvres béantes de sa blessure, les contient avec une main et y passe l’autre pour les frictionner une fois. La plaie est refermée et cicatrisée. Les chants reprennent au diapason où ils s’étaient arrêtés, et redescendent graduellement jusqu’à la note la plus basse. Le bokte, c’est-à-dire le saint, est alors démagnétisé et rentre dans la vie commune. Il s’en retourne au bras de ses confrères, pâle, affaibli par la perte énorme du sang qu’il a faite, mais sans qu’il en reste d’autre souvenir, ni qu’il en résulte d’autre accident. Ce spectacle est souvent offert aux populations du Thibet et de la Tartarie, qui en sont toujours très avides. (Voyage au Thibet, par le R. P. Huc, tome Ier.)

« Si tout ceci est naturel, demande M. l’abbé Lecanu, que les naturalistes l’expliquent donc. Si tout ceci est naturel, que les médecins y cherchent donc des moyens pour l’art de guérir. La négation des faits n’est qu’un aveu d’ignorance, et l’entêtement dans une pareille négation n’est qu’un entêtement puéril[1]. »

Eh ! non, répondrons-nous, cela n’est pas naturel, et je crois avoir montré très explicitement qu’il y a une ligne de démarcation bien nette qui est

  1. L’abbé Lecanu, Histoire de Satan, pages 37-38.