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affections utérines, provoquent parfois une sorte d’extase. Aussi ne faut-il pas prendre pour des démoniaques les extatiques de cette catégorie ; là, le phénomène est purement naturel.

Mais l’extase peut être aussi produite artificiellement, et alors nous trouvons là, dans ces moyens employés par les magiciens, les sorciers, une manière naturelle d’entrer en communication avec le diable, mais dont celui-ci profite pour se manifester et faire agir, par conséquent, le surnaturel.

Ces moyens naturels sont :

1° Le tournoiement. Le lecteur se rappelle ce que j’ai dit des derviches tourneurs et hurleurs ; on peut citer aussi les aïssaouas de l’Algérie, les sorciers des peuplades sauvages de l’Amérique du Nord, certaines tribus nègres de l’Afrique et de l’Océanie, où, des fois, à certaines fêtes de bas paganisme, un village tout entier se met, par ce procédé, en état d’extase diabolique.

2° La danse et la musique. Telles, les bacchantes et les corybantes de l’antiquité ; tels, les magiciens des peuples du nord de l’Europe. Il faut y ajouter les ruffaï de l’Inde, les Jacoutes et la plupart des sauvages de la Polynésie, les Caraïbes, les Lapons, les anciens Mexicains et Péruviens et les barvas ou prophètes, chez les Bilhs, dans l’Indoustan.

3° La fixité du regard. Chez les fakirs indiens, on se procure l’extase en fixant obstinément le bout de son nez ; les omphalopsychés du mont Athos parvenaient au même résultat au ive siècle en contemplant leur nombril, d’où ils finissaient par voir jaillir des torrents de lumière.

4° Certains breuvages et certains liniments. Il faut citer : les pollenta stupéfiantes des temples d’Esculape ; le népenthès, que la belle Hélène tenait de l’égyptienne Polydamna ; le haschich du Vieux de la Montagne ; l’opium de la San-ho-hoeï ; la fève des prêtres du Grand-Esprit, chez les Nadoëssis de l’Amérique Septentrionale ; la cava des fétichistes océaniens ; la liqueur du pastinaca, des Kamstchadales ; le jus de cohobba des caciques, chez les Incas ; l’asserol des Turcs ; la bacca des Hottentots ; l’onguent des sorciers du moyen-âge ; la pommade fétide des prêtres aztèques du Mexique.

Or, le lecteur le sait et cela a été bien expliqué à la IVe partie de mon ouvrage, ce n’est pas parce que tel état est amené par des moyens plus ou moins naturels qu’il faut en conclure que cet état du sujet est et demeure jusqu’au bout naturel.

Ainsi que M. l’abbé Lecanu l’a fait très justement ressortir, « les aïssaouas et les derviches tourneurs, lorsqu’ils ont atteint le paroxysme de leur exaltation, se tailladent, se découpent, se transpercent la langue, les bras, la poitrine, se roulent dans des brasiers, caressent avec volupté des barres de fer rougies au feu, se font piquer par des scorpions, mordre par des serpents, sans qu’il n’en reste ni traces, ni souvenirs, ni effets, après l’apaisement de leur fureur.