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personnel. Elle ne veut pas, me disait-elle un jour, jouer le rôle d’acrobate du palladisme.

J’ai donc beaucoup de chances de la contrarier en ce moment. Néanmoins, attendu que je n’ai pas fait mes enquêtes par pure curiosité, je ne puis me soustraire au devoir de dire, au moins en quelques lignes, ce que je sais et ce que je pense du cas de la grande-maîtresse de New-York. Étonnante exception dans ce monde mystérieux des diabolisants, elle est foncièrement bonne ; elle sait combien j’estime les qualités de son excellent cœur, et que, par conséquent, je ne cherche aucunement à lui causer de la peine, à lui nuire dans l’esprit de mes lecteurs ; j’espère qu’elle tiendra compte de mes sentiments d’amitié et de reconnaissance à son égard, et qu’elle ne me gardera pas rancune de ce que je suis obligé d’écrire ici.

D’abord, il doit être bien entendu que miss Vaughan, élevée dans le luciférianisme pur dès sa plus tendre enfance, repousse avec horreur l’accusation de satanisme. Sur ce point, elle est irréductible ; il n’est pas de théologien au monde qui lui fera comprendre, à moins d’un miracle de la grâce, que Satan et Lucifer sont un seul et même personnage ; le jour où elle admettrait cela, il n’y aurait plus besoin de prier pour elle, si ce n’est pour qu’elle persévère, car ce jour-là elle serait convertie.

Elle nous considère, nous catholiques, comme étant absolument dans l’erreur ; le vrai Satan, dans son système, c’est Adonaï, c’est le Dieu que nous adorons ; c’est nous qui sommes des satanistes, ce sont les miracles de Lourdes qui sont des prestiges diaboliques, ce sont les saints qui sont des possédés du démon. Cela ne l’empêche pas de considérer qu’il y a de bons saints du catholicisme : elle vénère Vincent de Paul, avec la conviction qu’il est, glorieux pour l’éternité, au royaume du Dieu-Bon Lucifer ; elle-professe une admiration sans bornes pour Jeanne d’Arc et a composé une sorte de prière des plus bizarres, mais où se révèle son mysticisme attendri, qu’elle lui adresse parfois.

S’il est une palladiste paraissant devoir être à l’abri des atteintes de l’ennemi de Dieu, c’est certainement miss Diana Vaughan ; et cependant, je le répète, il est impossible de ne pas la lasser au nombre des possédées latentes. Mais les desseins de Dieu sont incompréhensibles à notre intelligence humaine plus qu’imparfaite ; c’est pour cela que, chaque fois que je songe à cette créature d’élite, si profondément dans les ténèbres et livrée à ce point aux puissances infernales, mon pauvre esprit est tout à fait dérouté. Pourtant, il est un fait, renversant, qui donne le plus grand espoir et dans lequel la main divine se montrera à tout catholique croyant : miss Diana n’a pas été souillée, ni par le pastos, que la volonté de son père lui a épargné, ni, ce qui est plus fort, ce qui est en dehors des choses humaines, par aucun des esprits du feu ; elle est pénétrée, mais respectée même par Lucifer et ses