Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il est de nombreux cas que je n’ai pas même pris la peine d’inscrire dans mes notes, parce qu’ils ne pouvaient être contrôlés par moi et qu’ils étaient invraisemblables, en outre.

Au début de ce chapitre, j’ai rappelé le cas de la Ingersoll, qui a été constaté par Albert Pike et consigné dans un rapport officiel. Les faits de cette sœur palladiste ainsi signalés se rapprochent assez des phénomènes observés chez miss Diana Vaughan ; mais la première n’est pas une possédée à l’état latent, puisque le concours de Mages Élus lui est indispensable pour l’accomplissement des prestiges produits à son occasion. Dans la séance de Saint-Louis, c’est Albert Pike qui pénétra de l’esprit Ariel la sœur Ingersoll ; Diana Vaughan, par contre, agit par elle-même, sa personne étant possédée sans interruption, l’état de possession étant devenu pour elle une seconde nature.

J’ai eu l’occasion de faire remarquer à plusieurs personnes, notamment à M. le commandeur Lautier, lors d’un voyage de miss Vaughan à Paris, l’étrangeté caractéristique du regard de cette possédée latente. « M. le docteur Bataille, écrit M. Lautier, nous fait observer, tandis que miss Vaughan s’explique, l’étrange flamme que jettent ses yeux. À vrai dire, ces jeux-là sont peu communs, tantôt bleu de mer, tantôt jaune d’or très vif. Le docteur nous rapporte à voix basse quelques-unes de ses observations sur les lucifériennes, qui jouissent, comme miss qui est là, de la faculté d’extase diabolique, qu’il ne faut pas confondre avec les crises d’hystérie, ni avec la possession ordinaire, telle qu’elle est bien connue par les cas officiels d’exorcisation ; ces démoniaques-là, paraît-il, font une simple invocation à leur « daimon protecteur » (celui de la sœur Diana serait Asmodée), et aussitôt elles tombent comme mortes ; elles restent dans cet état jusqu’à quatre heures consécutives, vivant d’une autre vie, disent-elles lorsqu’elles se raniment : cela est pour elles une volupté, nous ajouterons une joie vraiment infernale ; et c’est là, nous dit le docteur, une caractéristique de la possession dite à l’état latent. Le docteur affirme même que ces lucifériennes s’élèvent souvent à une certaine distance du sol, durant l’extase diabolique, et semblent soutenues, bercées dans l’espace par des esprits invisibles. » (Rosier de Marie, n° du 1er janvier 1894.)

Au risque de me fâcher avec miss Vaughan, — ce que je regretterais fort, — il me faut cependant parler de son cas. Je sais qu’elle n’aime pas qu’on entame à son sujet la question des phénomènes surnaturels, quand il s’agit de les divulguer au public. Même, contrairement à Sophia qui, dans les triangles, fait volontiers parade de ses talents de magicienne, miss Diana Vaughan s’occupe plutôt de politique, et c’est toujours à son corps défendant, quand il est absolument impossible de se passer d’elle pour une tenue de grand-rite, qu’elle se résout à opérer ; non pas que les prestiges lui répugnent, mais elle préfère les réserver pour chez elle, à titre d’agrément