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l’état latent. Il est incontestable, à mon sentiment, que de tels prestiges, dont ces possédés latents sont l’instrument, tout au moins d’une façon partielle, n’ont aucun rapport avec les phénomènes que j’ai étudiés, d’autre part, dans les cas de possession ordinaire, non latente. Expérience de la fluidification et expérience des substitutions sont des jongleries diaboliques, et nullement des miracles ; mais il n’en est pas moins vrai qu’ici le démon déploie toute sa puissance. C’est sa manière de récompenser sur terre les palladistes qui lui rendent un culte direct et l’intitulent audacieusement Dieu-Bon, Excelsus Excelsior, en attendant que ceux-ci, voyant après leur mort combien ils ont été ses dupes, soient sa proie pour l’éternité. Le palladiste s’est déclaré ennemi de Dieu : il mérite ces prestiges extraordinaires, dont il se grise dans le mystère des triangles, et qui sont la préface du châtiment suprême. Si Satan, en dehors des arrière-loges de la maçonnerie palladique, ne fait pas étalage de son pouvoir poussé aux dernières limites, c’est que Dieu ne le lui permet pas.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les œuvres de grand-rite et sur les possédés à l’état latent. Le cas de Sophie Walder n’est pas le seul à ma connaissance. On cite, dans les triangles, bien d’autres expériences merveilleuses ; mais je ne suis pas en mesure de me prononcer sur l’authenticité de toutes.

Néanmoins, je dois mentionner, quoique sans la garantir, une œuvre de grand-rite opérée à Päaris et dont un occultiste du rite français, un des rares palladistes du Grand Orient de France, serait coutumier. Ce maçon, dont l’occultisme est ignoré d’un grand nombre de frères, même des membres de la loge qui l’a eu longtemps pour Vénérable, existe encore ; c’est un industriel de la rive gauche, nommé Painblanc. C’est aux trois S qu’il pratique le palladisme ; la loge à laquelle il est inscrit y a aussi ses tenues.

Le F∴ Painblanc est un homme bien constitué, d’une stature moyenne ; il doit avoir aujourd’hui dans les cinquante à soixante ans ; c’est un blond que l’âge a complètement blanchi, chevelure bien fournie et barbe patriarcale. On le voit tous les jours monter et descendre la rue de Rennes, d’un pas lent, d’une allure solennelle. Il se découvre en passant devant la statue de Diderot. Il est fort populaire dans les milieux ouvriers, et, aux jours d’élection, les gens du peuple suivent volontiers ses conseils ; il exerce une notable influence dans son quartier. C’est un anticlérical farouche, mais de la catégorie de ceux qui poussent aux mesures de persécution les plus violentes en faisant valoir dans les termes les plus modérés des arguments savamment perfides qui font impression sur les ignorants. On le voit dans les congrès de libre-pensée aussi bien que dans les meetings socialistes : avec son genre bonhomme, il a toujours l’air de calmer les exaltés ; en réalité, il excite la foule plus habilement que les énergumènes ; mais qui