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Je vois bien, dans le possédé, le démon s’unir à l’homme ; mais j’ai peine à croire qu’il puisse aller plus loin que faire de cette chair sa chose ; il ne me paraît pas croyable, à moins que la parole infaillible de Rome ne se prononce contre mon sentiment, que l’union du démon avec le possédé latent puisse aller jusqu’à supprimer la distinction des deux substances, c’est-à-dire que le diable, une fois établi en ce possédé, se change en lui.

À mon sentiment, le possédé latent devient diable ou quasi-diable, par l’effet d’une sorte d’identification qui n’est qu’une identification apparente, par l’effet d’une sorte d’escamotage d’un corps matériel, de telle façon que ce que l’on voit n’est plus qu’une forme et même une substance l’une et l’autre trompeuses, forme humaine, substance diabolique. Là est le prestige.

Je me suis fait cette opinion en comparant l’œuvre de grand-rite dite expérience de la fluidification et l’œuvre également de grand-rite dite expérience des substitutions.

Que le lecteur veuille bien examiner avec moi ces deux expériences : une contradiction flagrante le frappera tout de suite. Pour la traversée du mur, Sophia prétend qu’il est nécessaire, indispensable qu’elle soit entièrement nue ; les vêtements ne se fluidifieraient pas, une simple étoffe empêcherait la réussite de l’opération. Dans la séance des substitutions, au contraire, les vêtements ne constituent plus un obstacle ; elle les garde ; pourtant, le costume qu’elle a au début et à la fin se transforme, en même temps que les divers personnages censément représentés par elle, censément substitués à elle.

Alors ?…

Voyons, le phénomène des substitutions n’est pas celui de la fluidification, si l’on veut ; mais ils sont, qu’on me pardonne le mot, cousins germains ; ils sont même frères jumeaux.

Pour substituer un personnage à un autre, et en même temps un vêtement à un autre, il faut nécessairement volatiliser, j’allais dire fluidifier, le premier personnage avec ses vêtements.

Donc, contradiction flagrante. Pourquoi Sophie, si elle peut, elle, Sophie Walder, se métamorphoser en Alexandre le Grand dans son costume de conquérant macédonien, ne pourrait-elle pas traverser une muraille en toilette de grande maîtresse ? pourquoi son costume ne se fluidifierait-il pas de même que son corps ?…

Ce qui me paraît admissible, — et alors il n’y a plus contradiction, — c’est que le mur, s’il est vraiment traversé, n’est pas traversé par Sophie Walder, mais par un démon qui a pris sa forme, aux yeux des assistants ; c’est aussi que les substitutions successives de personnages les uns aux autres, tous costumés selon l’histoire, sont le fait, non de Sophie Walder