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dée par cinq frères constatant qu’ils palpent vraiment un corps humain, nous sommes déjà en plein prestige. En réalité, Sophia est cachée par le diable aux yeux des assistants ; il y a illusion d’optique ; le personnage que l’on voit, sous sa forme vivante, palpable et en même temps lumineuse, c’est Belzébuth ou Bitru, qui vient de se matérialiser ; et dès lors, c’est le démon lui-même qui se transforme à son gré en Cléopâtre, en Voltaire, en Luther, en Héliodore, en Garibaldi, en urne, en arbre, en tout ce que l’on voudra ; pour lui, cette série de substitutions n’est qu’un jeu. C’est pourquoi, il n’y a pas lieu d’en être autrement stupéfait. Pour Satan, tout cela n’est rien, absolument rien. Il donne une séance, comme chez Robert-Houdin, avec cette différence qu’il n’a besoin d’aucuns trucs de prestidigitation, lui ; mais, dans la stricte réalité du fait, ce n’est pas Sophie Walder qui donne la séance. Quant à elle, elle est enveloppée et pénétrée par un démon, qui la tient à côté, qui la dérobe aux regards, et qui, agissant sans doute en même temps sur elle comme dans le sommeil, déroule à son esprit tous les phénomènes qu’il est censé lui faire opérer ; si bien qu’elle peut être de bonne foi et croire que vraiment elle se transforme et se fluidifie à volonté.

Comme on pense bien, je n’ai pas la prétention d’expliquer ces phénomènes au point de vue doctrinal ; mais, sans empiéter sur le domaine des théologiens, je crois avoir le droit d’exposer les réflexions que je me suis faites, en soumettant, bien entendu, à l’Église ma façon de penser, et prêt à m’incliner, prêt à abandonner complètement mon opinion sur ce sujet difficile, pour peu qu’elle soit jugée hasardée ; avant tout, en tant que catholique, considérant le Pape comme représentant infaillible de Dieu sur la terre, je suis fils respectueux de l’Église et soumis sans aucune restriction aux avis du Saint-Siège.

Donc, voici comment, sauf erreur, j’envisage les faits merveilleux, prodigieux, qui se produisent dans les cas de possession à l’état latent :

Je crois au transport instantané, à la possibilité du phénomène de bilocation (constaté dans le procès de Cagliostro, notamment) ; mais la fluidification du corps du possédé, corps humain, me paraît plus difficilement admissible. C’est pour cela que je n’ai pas d’opinion arrêtée sur l’opération de la traversée du mur, sans cependant accuser Sophia de supercherie.

En effet, je l’ai dit, tout l’appareil et toutes les complicités nécessaires pour la réussite d’une supercherie de Mlle Walder me paraissent compliquer beaucoup cette opération, et je trouve infiniment plus simple que le phénomène ait lieu par l’opération du démon. Mais comment le démon opère-t-il dans cette œuvre de grand rite ? Tel est le nœud de la question.

Le diable peut-il rendre susceptible de se fluidifier le corps d’un possédé dans lequel il s’est établi comme à demeure fixe, dont il a fait pour ainsi dire sa chair, son sang, ses os ? Plusieurs ecclésiastiques m’ont dit : Oui, et,