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Alors, les bougies se rallumèrent partout d’elles-mêmes, Sophia perdit à la seconde son incandescence, le serpent de la voûte tomba sans quitter sa position circulaire, mais en reprenant sa grandeur primitive, et, se rétrécissant ainsi tandis qu’il traversait l’espace, il se trouva finalement déposé, en tour de cou, sur la chair de la jeune femme, redevenue telle qu’au début de la séance, c’est-à-dire en costume de grande-maîtresse, légèrement décolletée.

L’assemblée rendit des actions de grâces à Lucifer, à Baal-Zéboub, etc., et les travaux de grand-rite furent déclarés fermés.

Il est difficile de se prononcer sur les phénomènes de ce genre, produits par les possédés à l’état latent, ou, si l’on préfère, produits à l’occasion de ces possédés. Le corps humain, par sa nature, ne se prête aucunement à de telles transformations.

Les occultistes, qui assistent aux tenues de grand-rite, sont confondus, émerveillés au spéctacle de ces substitutions, et, n’ayant pas la foi chrétienne, ils voient dans tout cela des miracles lucifériens ; chez eux, ils s’en enorgueillissent ; ils tiennent leur dieu pour supérieur à Adonaï. Aussi, avec quel dédain traitent-ils les guérisons de Lourdes, qui sont pourtant de vrais miracles.

S’ils avaient la foi, ils comprendraient tout de suite qu’ils sont dupes d’une simple jonglerie diabolique, ni plus ni moins. Pour en demeurer au cas de Sophie Walder, il me parait certain que ce n’est pas à son corps que des fantômes sont substitués, dans ces extraordinaires séances. Il y a prestige, et rien autre ; mais c’est le démon qui est le prestidigitateur ; du moins, telle est mon opinion.

Le pacte qui unit le possédé latent au diable est liant au plus haut degré. Sophie ne s’appartient plus ; c’est par légions peut-être que les puissances infernales entrent et résident en elle ; ils y sont chez eux. Mais son corps d’être humain, quoique devenu semi-diabolique, n’en reste pas moins corps humain, — la preuve en est dans les maladies, — et dès lors il n’a pas, lui-même, la faculté de fluidification ni celle de substitution ; ceci est du domaine exclusif des esprits.

Sophia, pas plus que Cagliostro, ne peut se trouver à deux endroits à la fois ; mais le diable peut transporter instantanément un magicien ou une magicienne, un pactisant ou une pactisante, à cent ou mille lieues ; c’est aux possédés latents qu’il réserve le déploiement de toute sa puissance. Néanmoins, on ne saurait trop le répéter, si étendu qu’il soit, le pouvoir de Satan est limité, précisément parce qu’il n’est pas dieu.

Il en est donc réduit à tromper, pour se faire prendre pour tout-puissant par ceux d’entre les occultistes qui lui rendent un culte formel.

Lorsque Sophia, comme à la tenue triangulaire de Lugano, est appréhen-