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de chacun un souffle impétueux et brûlant. Frères et sœurs, l’un après l’autre, se rejetaient en arrière brusquement, quelques-uns poussant un cri, au fur et à mesure que la bouche invisible passait et soufflait.

Puis, les quatre dernières bougies s’éteignirent, et Sophia, qui était au milieu de la salle, devint aussitôt resplendissante de clarté, une clarté blanche. On aurait juré qu’au lieu d’être en chair, au lieu d’être un corps humain vêtu d’étoffes, elle avait été transformée en une statue de porcelaine blanche et fine, à l’intérieur de laquelle se trouvaient, des pieds à la tête, plusieurs becs électriques. Mais la statue parlait et se mouvait. Mlle  Walder était éclairante ; prestigieux foyer de lumière, c’était elle, à présent, qui illuminait la grotte.

Alors, nous aperçûmes dans l’espace cinq mains énormes, flottant en quelque sorte, allant et venant en remuant les doigts, comme des araignées gigantesques qui auraient été suspendues par des fils invisibles au bout desquels elles se seraient balancées ; ces mains mystérieuses avaient le double de la grandeur naturelle, et elles étaient vertes, d’un vert d’émeraude ; aussi, elles brillaient, répandant une nouvelle lumière.

Pendant une minute au moins, elles traversèrent l’air dans tous les sens ; puis, planant au-dessus de nous, dans un vol moins rapide et plus régulier qu’au début, comme si elles faisaient un choix dans l’assemblée, elles s’abattirent sur le bras droit de cinq frères, les prenant au poignet en les serrant avec force ; et nous vîmes les cinq élus, tirés en avant par une puissance irrésistible, marcher, le bras tendu, saisi chacun par une des mains vertes. Elles les entrainèrent ainsi vers Sophia, qui resplendissait toujours, lampe vivante.

Sous la conduite des mains mystérieuses, les cinq frères furent placés auprès de Mlle  Walder, deux lui saisissant les bras, deux autres la tenant par l’épaule, le cinquième posant sa main sur la tête de l’opérante. Les esprits du feu nous faisaient constater de la sorte que la femme lumineuse, sur qui convergeaient nos regards, était toujours en chair et en os, n’était pas un spectre, un fantôme.

Sophia parla, en effet.

— Témoignez à nos frères et sœurs, dit-elle aux cinq élus, que vous me tenez réellement, que vous sentez ma chair sous vos doigts.

— Nous en témoignons, déclarèrent-ils.

Les mains vertes disparurent, le serpent de la voûte siffla sept fois ; au septième sifflement, Sophia avait été instantanément transformée en un beau jeune homme, d’une trentaine d’années, vêtu à l’antique, en guerrier grec, avec les insignes du plus haut rang.

En même temps, un cri de surprise s’échappait de la bouche des cinq frères qui venaient d’attester ne pas avoir affaire à un fantôme. Leurs