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que, pour que Mlle Walder puisse s’y tenir ne serait-ce qu’un instant, à l’intérieur, comme l’oiseau-automate dans sa boîte métallique, il est indispensable qu’une partie de la maçonnerie s’enfonce mécaniquement dans le sol par une trappe, et comme glissant entre les parois d’acier. Tout cet ensemble de trucs et de complicités est possible, en vérité ; mais, on le reconnaitra, c’est bien compliqué.

Mlle Walder ne se livre pas à son « travail » de fluidification, qui, dit-elle, la fatigue au plus haut point et oblige ensuite à garder le lit plusieurs jours, si le triangle qui désire la voir opérer ne lui verse au préalable la somme rondelette de cinq mille francs. C’est son dernier prix. On dira que cette somme sert en partie à payer les frais de l’expérience, y compris les compères. Mais on peut répondre, par contre, que des compères même bien payés finissent toujours par parler et que jusqu’à présent aucune mauvaise langue n’a expliqué catégoriquement un subterfuge.

D’autre part, les théologiens catholiques et les palladistes croyant à une œuvre de grand-rite dans cette singulière traversée du mur blindé ont peut-être raison, quoique différemment. L’argument des cinq mille francs ne prouve rien, Sophia étant bien connue pour ne jamais laisser échapper une occasion de faire recette ; elle est une dévote passionnée du veau d’or autant que de Lucifer dieu-roi. Mais, si réellement le passage au travers du mur est obtenu par elle en dehors de toute supercherie humaine, il constitue une des preuves que Mlle Walder est bien une possédée à l’état latent, une nature semi-diabolique, et non une possédée ordinaire, comme la plupart de celles qui figurent dans les procès célèbres d’exorcisation.

Elle s’intitule « première souveraine en Bitru », ce qui veut dire qu’en vertu d’un pacte formel, Bitru a promis de devenir, à son appel mental, la chair de sa chair. Ce Bitru, prince aux enfers, est un diable de haute puissance ; d’après les démonographes, il est à la tête de soixante-dix légions. M. De la Rive a noté qu’une des spécialités de Bitru est d’exciter les femmes à se dévêtir et de leur inspirer le mépris de toute pudeur.

Enfin, en ce qui concerne Mlle Walder, j’ai le devoir de dire que ce n’est pas uniquement sur son expérience du mur traversé que je me base pour la qualifier de possédée latente : si sa faculté de fluidification est contestée, il n’en est pas de même de son prétendu don de substitution, et ceci la dénonce indéniablement « fille du diable ».

Deux ans seulement avant que j’entreprenne la publication de mon enquête sur l’occultisme contemporain, un ami de miss Vaughan m’invita à l’accompagner dans un court voyage qu’il avait à faire à Milan, dans la haute Italie et jusqu’en Suisse, canton du Tessin. À mon grand regret, je ne pus lui promettre d’être son compagnon : je devais, au contraire, dans le peu de temps que j’avais de disponible, me rendre en une autre région