Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant cette seconde phase, c’est le projecteur de la tribune de l’Est qui éclaire Sophie de son feu convergent. À la fin de l’opération, dont le maximum de durée totale est une heure, elle est redevenue telle qu’au début, lorsqu’elle était de l’autre côté du mur. Elle se rhabille ; toute l’assistance est alors passée dans la seconde moitié de la salle, si toutefois l’affluence ne s’oppose pas à ce déplacement. Enfin, les Mages Élus viennent lui donner le baiser en cinq points, et, les autres personnes présentes défilant tour à tour et mettant genou en terre devant elle, elle les bénit ésotériquement.

On se retire, c’est fini.

Maintenant, que dire de cette expérience de haute magie ? Y a-t-il vraiment œuvre de grand-rite, c’est-à-dire prestige diabolique de premier ordre, ou bien simplement œuvre de prestidigitation, tour de passe-passe à la Robert-Houdin admirablement exécuté ?

Les théologiens que j’ai consultés, sont d’avis que cette apparente traversée du mur n’est pas au-dessus de la puissance du démon.

Mais examinons d’abord l’opération au point de vue naturel, en supposant une supercherie humaine. Même parmi les palladistes, il y a des sceptiques, qui disent admirer l’adresse incomparable de Mlle Walder et ne croient pas à sa prétendue faculté de fluidification.

On objecte que les plaques d’acier ne sont nullement indispensables à la démonstration de la traversée du mur par les moyens extra-naturels ; ce surcroît de preuve d’absence de tout subterfuge fait croire précisément à un subterfuge. Un F∴ génevois, qui avait vu Mlle Walder opérer en Suisse, m’expliquait, un jour que nous discutions le prestige, une merveille de mécanique : un horloger de Genève avait fabriqué une pièce des plus étonnantes. L’objet consistait en un cube d’acier, mesurant dix centimètres sur chacune de ses arêtes ; le tout était poli avec une telle finesse, qu’on eût juré un seul bloc de métal massif. Cependant, on posait sur une table ce bloc ; un moment après, un petit oiseau, à peine plus gros qu’un oiseau-mouche, en sortait si instantanément, qu’il semblait une minuscule apparition ; impossible de dire d’où il était venu, on ne l’avait pas vu s’abattre de l’air sur le bloc d’acier, on n’avait vu non plus aucune ouverture lui livrer passage hors du bloc, tant l’écartement d’une ligne invisible de la face supérieure du bloc avait été rapide, spontané, ainsi que la fermeture. L’oiseau, alors, sans aucune attache de fil ou de métal le reliant à ce bloc qui était, en réalité une boîte, sautillait, comme s’il eût été vivant ; il allait, venait, voltigeait, descendait du bloc sur la table, y remontait, en battant des ailes, en faisant entendre de petits cris aigus, puis en chantant ; en fait d’automate, c’était merveilleux, et Vaucanson n’en construisit jamais d’aussi parfait. Enfin, après avoir sautillé, voleté et chanté, le petit oiseau se replaçait d’un saut sur le bloc d’acier, à un moment donné, et il disparaissait cette fois d’une