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de façon à bien éclairer tous les détails de la construction. Comme si cela ne suffisait pas, on apporte des plaques d’acier, et des frères servants les vissent au mur, de façon à ce qu’elles se touchent toutes : il y a, en effet, de distance en distance, des tampons en bois, permettant de visser de part et d’autre ces plaques, qui forment un blindage complet, supplément de garantie.

Quand tout est prêt, Mlle  Walder se place devant le mur d’expérience, au milieu, faisant face à la tribune de l’ouest ; la petite balustrade en fer la sépare de l’assistance. On ne la perd donc pas de vue, mais nul ne doit la toucher. Là, elle enlève l’un après l’autre tous ses vêtements, ne gardant même pas ses bas ni sa chemise ; il faut, explique-t-on, qu’elle soit complètement nue ; son corps ayant seul la propriété de se fluidifier, le moindre vêtement empêcherait, parait-il, la réussite de l’expérience.

Alors, commence une scène inoubliable pour celui qui en a été témoin.

Les Hiérarques présents unissent leurs voix à celles des Maîtresses Templières et entonnent, à demi-voix, le Gennaïth-Menngog. Sophia, le dos collé au mur, est inondée de lumière par le projecteur de la petite tribune de l’ouest. Debout et strictement immobile, les bras pendants, elle parle à peine du bout des lèvres ; elle semble réciter une leçon dans un murmure décroissant ; de fait, elle débite tout ce qui lui passe par la tête ; c’est une causerie de moribonde, narration monotone, conseils à ses amis, comme si elle allait rendre l’âme ; et la voix, sans accent, sans tonalité aucune, s’affaiblit de plus en plus ; à la fin, ce n’est plus qu’un souffle, les mots ne s’entendent plus, les lèvres ne remuent même plus bientôt, les yeux grands ouverts sont fixes, sans le moindre mouvement des paupières.

Cette première phase de l’opération, dit M. De la Rive, dure de quinze à vingt minutes d’ordinaire ; parfois, jusqu’à une demi-heure. Cette remarque est très exacte.

« Pendant ce temps, le corps pâlit progressivement ; le sang paraît se retirer ; exsangue, cadavérique, puis la chair prend une teinte jaunâtre, avec un ton flou. Peu à peu, les assistants n’ont plus qu’un fantôme devant eux, toujours immobile ; la voix s’est éteinte depuis un bon moment, tandis que le chant du Gennaïth-Menngog s’est élevé jusqu’à devenir éclatant.

« Le Hiérarque qui est de l’autre côté du mur sonne brusquement la cloche ; un coup sec, fort bruyant. Instantanément Sophie Walder a disparu, et son fantôme est passé auprès du Hiérarque sonneur, qui se retire hors du demi-cercle formé par la balustrade.

« Alors, il se produit, en sens inverse, ce qui a eu lieu durant la première phase de l’opération. Peu à peu le cadavre remplace le fantôme ; puis, la chair cesse d’être cadavérique, le sang revient, le corps s’anime, la voix se fait entendre, tandis qu’on chante autour de Sophie Walder le Vanériam Ohblerrak, éclatant d’abord, pour finir à demi-voix[1] ».

  1. De la Rive, la Femme et l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie universelle, pages 723-724.