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Le lendemain, la fille de Philéas Walder se livra, dès son lever, à une consultation magique, brûla l’hostie consacrée, qu’habituellement elle porte, déjà profanée, sur elle, et conclut qu’elle devait agir. Puisqu’elle était en possession du billet d’entrée au Vatican, pensait-elle, c’est que le Dieu-Bon le voulait.

Elle écrivit quelques mots au à docteur V***, pour lui dire qu’elle prenait seule la responsabilité de ce qui pouvait arriver, mais qu’elle l’engageait à quitter Rome de suite, afin que sa présence n’y fût pas découverte et qu’il ne pût être accusé de complicité.

Entre nous, je crois que Sophia n’eût pas réussi à pénétrer jusqu’au pape, même avec son billet d’entrée, ni à se mêler à des pèlerins, aussi facilement qu’elle se l’était imaginé ; si habile qu’elle est, elle n’eût pas manqué, il me semble, d’éveiller des soupçons ; car, les premiers pas faits à l’intérieur du Vatican, elle eût été bientôt dépaysée. Mais, à cette époque, elle venait pour la première fois à Rome ; elle ignorait les usages de la demeure pontificale ; elle croyait bénévolement que, le seuil franchi, elle n’aurait plus qu’à circuler en toute liberté, montrer son billet aux gardes et se faufiler dans le premier groupe venu admis à une audience publique, après quelque attente.

Néanmoins, me raconta-t-elle, la pensée de ce qu’elle allait faire n’était pas sans lui donner une violente émotion. En outre, elle avait, ce jour-là, certaine indisposition naturelle aux femmes. Partie en fiacre, elle eut d’abord quelque malaise, qu’elle attribua alors aux secousses de la voiture ; mais, en descendant, ce fut bien autre chose.

Arrivée à la porte de bronze du Vatican, me dit-elle, elle avait ressenti comme un choc intérieur. Que se passait-il donc en elle ?… Une bouffée de chaleur lui envahit la face ; elle frissonne, claque des dents, va perdre connaissance, se soutient à grand’peine en s’appuyant n’importe où elle ne se rappelle plus ce qui s’est passé ; cela n’a duré, sans doute, que quelques secondes ; elle reprend le sentiment de la vie, comme si elle l’avait un instant perdue. La voilà assez effrayée, et ne comprenant rien à ce qu’elle éprouve.

Instantanément, elle sent son sang s’arrêter, en même temps qu’une douleur d’une violence inouïe se déclare-dans le côté gauche du ventre.

Voulant accomplir quand même l’acte qu’elle a si longtemps prémédité, elle essaye de réagir ; mais, à chaque pas, elle souffre davantage. Le côté droit, à son tour, se prend, et la voilà qui se tord dans des coliques indescriptibles.

Dans son trouble, elle jette autour d’elle des regards effarés. Tout cela a été bien bref ; car le cocher qui vient de la conduire s’éloigne à peine. Elle trouve la force de le rappeler ; sa résolution est subitement changée, elle se sent vaincue, terrassée, et, voyant que les gardes de l’entrée du palais