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« … Le docteur Bataille, écrivait-elle, abuse d’une situation toute particulière. À l’époque où je le croyais mon ami, il me sauva d’une péritonite qui m’emportait. Je lui en eus une vive reconnaissance. Je m’aperçois aujourd’hui que de tette reconnaissance il profita outre mesuré. Mais de nous deux quel est l’indigne ? J’en fais juge le public. Je pensais avoir eu un frère qui m’avait arrachée à la mort, je me trompais ; le médecin était un faux-frère dont l’unique souci était de conserver un sujet qui lui paraissait curieux à étudier. L’espion se faisait sauveur de l’espionnée pour continuer jusqu’au bout son espionnage…

« … Si dans un excès de gratitude j’ai eu trop d’amitié pour cet homme, trop de confiance en lui, le blâmable est, non pas moi certes, mais lui qui a abusé de cette amitié et de cette confiance. Que dans leur conscience se prononcent les impartiaux !… Ils jugeront très sévèrement, j’en suis sûre, cette trahison, d’autant plus ignoble qu’elle est commise par un médecin vis-à-vis d’une malade qu’il a soignée et à qui il a pu arracher insidieusement quelques confidences ; c’est là une violation flagrante du secret professionnel. »


Le moment est venu de nous expliquer. Déjà, j’avais répliqué en toute hâte à ces insinuations, d’abord par une lettre à M. le chanoine Mustel, aussitôt publiée par lui, et immédiatement après par une note à laquelle le lecteur peut se reporter (premier volume de cet ouvrage, pages 324-325), et je m’étais réservé de donner des explications, dans la mesure du possible, quand j’en viendrais à étudier le cas spécial de Mlle Walder, et cela en dépit de ses menaces.

Le lecteur me rendra cette justice que, jusqu’à présent, dans tout ce que j’ai écrit sur Sophia, je n’ai rien dévoilé de ce qui est le secret d’une malade, en tant que femme et que malade. En vain, cette hardie demoiselle a essayé de faire prendre le change au public, en en appelant, sur un ton mélodramatique, à « la conscience des impartiaux ». Les impartiaux diront tout au contraire que je suis un fidèle observateur du secret professionnel, et que, lorsque, à l’appui d’une thèse, il m’est impossible de ne pas parler d’une personne, je vais mille fois moins loin que nos Salpêtriers dans ce qu’ils impriment relativement à leurs sujets d’expériences, Rosa ou autres.

Le secret professionnel consiste à garder la discrétion, par exemple, en matière d’accouchement, sur certaines irrégularités de la personne qui vient se faire soigner ; tels sont les cas d’une femme mariée ayant conçu dans l’adultère, ou d’une veuve, ou d’une fille. La malade confie son secret au médecin ; celui-ci doit tenir bouche close, comme un confesseur.

Mais le cas de Mlle Walder n’a rien à voir avec aucun de ce genre. Ce n’est nullement violer le secret professionnel médical, qu’exposer publiquement l’étude qu’on a faite, même en désignant la personne étudiée, d’une situation anormale où la nature joue un rôle, et le surnaturel, un autre rôle, attendu que ce cas-ci ne présente rien de déshonorant pour le sujet,