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Chez les possédés à l’état latent, l’opération n’est plus la même. Si des Mages Élus sont présents, c’est pour constater les faits prodigieux ; si l’on se trouve en tenue de grand triangle, leur présence n’est même pas indispensable. Le possédé latent agit même en isolé, fort souvent. C’est lui-même qui est pactisant avec Lucifer ou quelqu’un de ses plus importants sous-chefs. Le pacte a été signé depuis longtemps, et de telle façon qu’il n’est pas nécessaire de le renouveler. Alors, Satan, — quand Dieu le tolère, — agit dans toute sa puissance au moyen de ce possédé pactisant, et les faits produits confondent tout raisonnement.

Dans le démoniaque ordinaire, même au plus haut degré de possession, le corps reste toujours le corps ; il ne se fluidifie pas, malgré les transformations les plus surprenantes. Tout au contraire, chez le possédé latent, le diable est si bien mêlé à l’être humain, qu’il parvient à escamoter le corps matériel, que ce que l’on voit n’est plus qu’un trompeuse apparence, et ainsi Satan opère exactement comme il le fait quand il se livre à ses prestiges personnellement, comme démon évoqué et visible.

Cagliostro est à Paris, et ses disciples, réunis à Lyon, lui adressent leurs vœux. Possédé latent, Cagliosiro jouit du don de transport instantané à grandes distances : une sorte d’électricité diabolique lui apporte l’appel de ses disciples, et à la minute, à la seconde, quittant Paris, se transportant comme s’il était un esprit, il se présente, il arrive, il est à Lyon. Il n’existe pas de possédés ordinaires, de possédés victimes, qui aient opéré semblable prodige constaté ; Dieu ne l’a pas permis au démon. Mais, quant au possédé pactisant et latent, que le diable en fasse ce qu’il voudra ! C’est ainsi, il me semble, qu’il se produit une sorte d’identification ; le possédé latent devient diable ou quasi-diable. Telles sont les œuvres de Grand-Rite.

Ces opérations sont plus fréquentes qu’on ne le croirait ; mais les Vocates Élus qui peuvent s’y livrer sont rares. Les palladistes les proclament « incarnations des esprits de lumière ». Quant à moi, je vais plus loin : je me demande si, indépendamment des possédés à l’état latent, qui sont nés humains, il n’y a pas, parmi les palladistes et même en dehors des triangles, de vrais diables, des démons mêmes de l’enfer, se promenant parmi le monde sous une forme humaine, ayant l’air de mener une vie d’homme, pour mieux tromper.

Saura-t-on jamais, par exemple, ce que fut en réalité le mystérieux comte de Saint-Germain, vivante énigme, que l’on vit dans tous les pays d’Europe, durant le cours du siècle dernier ? Aucun historien n’a pu établir qui il était, et l’on s’est livré sur son compte à toutes les conjectures. Grand, bel homme, d’allures distinguées, possédant une de ces physionomies que l’on est convenu d’appeler méphistophéliques, il paraissait avoir de quarante-cinq à cinquante ans ; mais il porta toujours le même âge. À la cour