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orient de Buenos-Ayres : « La peine spirituelle du dam, ce ne sont pas les élus de Lucifer qui la subissent, puisque Lucifer est le Dieu-Bon ; réfugiés pour l’éternité dans son sein bienfaisant, ils ont, au contraire, le bonheur suprême, en ayant la certitude d’être délivrés à jamais des atteintes du Dieu-Mauvais, et vraiment la souffrance la plus atroce pour eux serait d’avoir à contempler éternellement le hideux et barbare Adonaï. Le supplice matériel du feu ou n’importe quel autre supplice matériel n’existe donc pas dans l’autre monde, ne saurait y exister ; cela est absolument impossible, et, du reste, ceux des nôtres qui répondent à nos appels et apparaissent dans nos assemblées sont unanimes pour attester leur bonheur. De même, aucun supplice matériel ne peut logiquement se concevoir pour les âmes des humains, qui, trompés par les faux dogmes adonaïtes, vécurent une vie de ténèbres, en adorateurs du Dieu-Mauvais. Lucifer, étant souverainement bon, n’a établi nulle part un enfer pour eux ; mais ce sont ceux-là, — et non les élus lucifériens, — qui souffrent, par leur propre faute, la peine du dam, à moins qu’ils ne se soient rachetés, durant leur existence aveugle, par la pratique des bonnes œuvres charitables, et qu’ils ne se soient ainsi, malgré leur erreur, rendus dignes du Dieu-Bon par l’Heptagathon. Oui, chers frères et chères sœurs, la peine du dam n’est subie que par les adonaïtes dont la vie humaine n’a su jamais soulager la misère du prochain ; ceux-ci, le Dieu-Bon les repousse, et leur âme n’étant pas rappelée à lui, végète, en état de dégradation et d’infériorité, dans le corps des animaux grossiers, ayant quelque intelligence, mais non la raison, jusqu’à une nouvelle épreuve de vie humaine ; et ainsi de suite, par alternatives de vie animale et de vie humaine, tant que la petite flamme, émanée du Dieu-Bon et incarnée et réincarnée, n’a pas mérité d’être réunie au foyer divin.

On voit par là que le Palladisme s’inspire encore de l’Inde pour ériger en dogme un système particulier de métempsychose, qui n’est pas exactement celui de l’antique religion hindoue.

Dans l’ordre d’idées dont je viens de donner un aperçu, on comprendra maintenant combien le Feu est sacré pour les palladistes ; aussi considèrent-ils comme un plagiat du magisme persan, du sabéisme, du paganisme égyptien, en un mot, de toutes les religions païennes auxquelles ils se rattachent, tout emploi du feu dans les liturgies modernes autres que la leur. Le feu est le médiateur céleste, l’élément pur et purificateur par excellence, le vainqueur des maleachs et le dissipateur des maléfices adonaïtes. Ils font ressortir que seuls ils ont droit à accomplir, dans le culte, les sacrifices par le feu ; car ceux-ci, disent-ils, opèrent la transmission de l’offrande par la flamme.

À les entendre, les catholiques profanent le feu, lorsqu’ils entretiennent une lampe toujours allumée devant le Saint-Sacrement ; ils voient là un détournement sacrilège de la substance divine de Lucifer.