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« Très chers frères, toute parole mystérieuse renferme plusieurs sens : le sens littéral et le sens spirituel. C’est au véritable initié qu’il appartient de saisir le sens le plus sublime ; car, vous le savez, la lettre tue, et l’esprit vivifie.

« Nous, Chevaliers Rose-Croix, nous interprétons le monogramme INRI par ces mots : « Igne Natura Renovatur Integra », c’est-à-dire : « la Nature est régénérée tout entière par le Feu ». Nous sommes ici dans le vrai, tant dans le sens littéral que dans le sens spirituel.

« Il est vrai que beaucoup d’ignorants ont, jusqu’à ce jour, interprété ce monogramme de la manière suivante : « Iesus Nazaremus Rex Iudeorum », c’est-à-dire : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs ». Mais cette interprétation ne peut être acceptée comme exacte, attendu que Jésus ne fut jamais roi des Juifs, et que ce titre, qui n’était qu’une raillerie de la part de ceux qui le mirent à mort, a été, à tort, selon nous, consacré par la légende chrétienne.

« Revenons donc à la vérité, et voyons les deux sens vrais, le sens littéral et le sens spirituel, de l’exacte et juste interprétation : « la Nature tout entière est régénérée par le Feu ».

« Le premier, le sens littéral, nous rappelle qu’après que la nature a été engourdie par les froids, le soleil, au retour du solstice, la réchauffe et fait jaillir de son sein les moissons, les fleurs et les fruits. Ce sens peut suffire à des profanes.

« Mais à ceux qui sont dignes de recevoir la communication des hautes sciences et des mystères sublimes, iis quibus datum est noscere mysterium, à ceux-là nous donnons la véritable signification de ces mots : la Nature tout entière, entendez-le bien, toute la nature est renouvelée, régénérée par le Feu… En effet, que nous dit le Verbe ?… Il nous dit : « De même que l’or est purifié par la fournaise, ainsi le juste sera purifié en passant par le feu », le Feu, ce principe de vie qui anime tous les êtres.

« Nous avons vu, dans le grade de Maitre, que la parole perdue fut l’effet de l’automne, où le soleil, dépouillé de sa puissance, rend la nature muette. La parole retrouvée doit donc figurer dans un grade qui annonce un printemps prochain, symbolisé par la Rose, et aussi par le Feu, base de ce 18e degré.

« Ce n’est pas à ce feu matériel qui sert à satisfaire une partie de nos besoins que se rapportent les allégories de ce grade. Non ! c’est à cet élément principe, à ce Feu conservateur et vivifiant qui pénètre et embrasse toute la nature, c’est à ce Feu sacré que se rattachent tous nos mystérieux symboles : c’est à cet élément pur, dont la chaleur et la lumière ne sont que des modifications, dont la fécondité, le mouvement et la vie sont les effets, et dont les astres sans nombre dispersés dans l’immensité de l’univers semblent être les foyers inépuisables ; qui prête aux corps le charme des plus vives et des plus brillantes couleurs, ou, se cachant à nos regards, résidant jusqu’au sein de la terre, écarte les molécules des corps, malgré la force qui les unit, et y produit une action qui tantôt est le principe de leur existence, de leur conservation, de leur reproduction, et tantôt est la cause de leur division, de leur destruction, de leur transformation ; qui, d’autres fois encore, sillonne la nue qui le porte, et, sous le nom d’étincelle électrique, frappe à la fois notre œil ébloui, notre oreille étonnée, tous nos sens effrayés, et transforme la vapeur des nues en une masse d’eau qui se précipite sur la terre qu’elle ravage ; ce Feu, enfin, roi des éléments, sans lequel les autres seraient froids et inertes,