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Les palladistes qui s’adonnent aux pratiques d’exécration ne se bornent pas là. Il leur arrive aussi d’entrer dans une église, un jour de semaine, à l’heure où la maison de Dieu est à peu près vide. Ils se promènent paisiblement, comme ferait un touriste visitant le monument et s’intéressant aux statues, aux tableaux, au point de vue artistique ; mais, tout bas, ils débitent des Petites Imprécatoires dans chaque chapelle latérale, devant chaque autel. Ou bien, simulant la dévotion, ils s’arrêtent successivement devant les tableaux du Chemin de la Croix ; car le Chemin de la Croix peut se pratiquer lucifériennement, c’est-à-dire en exécration, à rebours, avec une série de blasphèmes spéciaux, où la liturgie palladique injurie le Christ jusqu’au Calvaire !

Enfin, au nombre des amulettes diaboliques, il y a les talismans d’exécration et les reliques d’exécration. Ces talismans lucifériens et ces reliques infernales sont considérés par les palladistes comme pouvant combattre, annihiler même « les influences adonaïtes ». Le Palladium ou Baphomet original est, nous le savons, le plus important de ces objets vénérés dans la secte ; d’après la légende, il est l’œuvre de Lucifer lui-même. Mais, si le Sanctum Regnum de Charleston possède le Baphomet original, chacune des trente-trois Mères-Loges du Lotus détient précieusement un fragment d’une prétendue « Vraie Corne de Baal-Zéboub ». Le lieutenant de Satan se serait dépouillé, un jour, de l’un de ses deux appendices frontaux, sauf à le laisser repousser ensuite ; et c’est cette corne, plus ou moins authentique, qui a été divisée en trente-trois morceaux : la pointe est au Lotus des Victoires, à Rome. D’autres talismans de moindre importance consistent en objets de diverses formes et de différentes matières, consacrés soit à Moloch soit à l’Ante-Christ ; des parcelles d’ongles ou encore des poils y sont le plus souvent adhérents, débris de provenance suspecte, considérés comme reliques de l’un ou l’autre de ces deux démons, et auxquels les fanatiques des triangles attribuent, des effets démoniaques prodigieux. Ainsi, l’on enseigne qu’il suffit que, dans une église catholique, un palladiste, porteur d’un talisman de l’Ante-Christ, le tienne sur son cœur au moment de la consécration, pendant la messe, « pour qu’Adonaï ne puisse pas pénétrer dans le pain eucharistique » ; les talismans de Moloch sont donnés comme efficaces « pour empêcher la production de prodiges sollicités par des adonaïtes réclamant l’intercession de Mirzam ». Tout cela, est-il besoin de le dire ? n’est que vaniteuse vantardise du père de l’orgueil et du mensonge, ne pouvant se résoudre à avouer sa chute et toujours plus furieux de son impuissance.

Quoi qu’il en soit, c’est en se basant sur toutes ces grossières tromperies, que le démon a créé son culte au sein des triangles, et c’est bien là qu’il est le plus complètement organisé.