Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Templière, en qui personne ne saurait soupçonner une luciférienne, vu l’absence totale de signes extérieurs et son maintien réservé, se mêle, dans les grandes paroisses, à la foule pieuse qui envahit la maison de Dieu.

En entrant, elle murmure une formule d’exécration ou Prière à Baal-Zeboub. Elle se dirige, comme tout le monde, vers le bénitier ; mais observez bien, elle fait le simulacre d’y tremper les doigts ; en réalité, elle se garde bien de toucher à « l’eau adonaïte ». Par contre, elle fait le signe de croix gnostique : ou bien si elle se signe sans laisser retomber les deux mains, c’est de la main gauche qu’elle aura fait le geste consacré ; elle rayonne, en savourant cette première profanation.

Après quoi, elle ira prendre place à quelque distance de l’autel ; elle choisit un endroit d’où elle ne perdra pas de vue le prêtre-officiant. Au mouvement de ses lèvres, ses voisins ou voisines croiront qu’elle prie dévotement ; non, elle murmure les formules de la Messe d’Exécration, dans laquelle Albert Pike, son auteur, a accumulé les insultes les plus blasphématoires à la divinité du Christ, de Dieu le Père et du Saint-Esprit. D’un bout à l’autre, la messe chrétienne qui se célèbre à l’autel est suivie par cette forcenée, insoupçonnable, tant elle est correcte extérieurement.

Au moment de la communion, si les fidèles se levant pour aller à la sainte-table sont en assez grand nombre, elle se lève aussi, et, confondue dans les rangs pressés des catholiques fervents, elle communie, elle ose communier ; et, de retour à sa place, agenouillée sur son prie-Dieu, la tête baissée sous son voile qu’elle a fait retomber, paraissant abimée dans la méditation et l’allégresse suave du chrétien qui vient de recevoir le pain des anges, cette infâme, cette diablesse, sans être vue, retire l’hostie divine de sa bouche sacrilège et la glisse dans une petite boîte ronde plate, qu’elle tenait dissimulée dans la main gauche. Alors, elle a sa proie.

Quand enfin elle redressera la tête et soulèvera de nouveau sa voilette, les voisins et voisines croyant sa prière finie, observez-la : ses yeux étincellent comme du feu, elle darde son regard aigu sur la statue de la Vierge ou sur le grand crucifix de l’autel. Observez-la, oui, observez-la bien alors ; car c’est le seul moment où sa haine épouvantable se trahit. Ce n’est pas l’extase de la piété qui illumine la prunelle de cette femme ; c’est un sombre éclair de défi qu’elle dirige contre Dieu et les saints.

Mais, presque aussitôt, veillant à ne pas être remarquée, elle sait imposer le calme à sa physionomie, elle reprend son expression hypocrite, et, après avoir murmuré une dernière formule d’exécration, elle quitte l’église lentement, dans le flot des fidèles qui s’écoule sous le porche.

Personne, parmi ceux qui auront coudoyé la Maîtresse Templière, ne se sera douté du crime qui vient d’être commis, prélude du crime plus affreux encore qui se prépare, et pour l’accomplissement duquel la fille de Lucifer a reçu par fraude la divine Eucharistie.