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partisans de la société actuelle, s’intitulent terroristes. Donc, qu’il soit bien entendu qu’il n’y a pas lieu de s’arrêter aux noms que divers groupes prennent suivant les pays ; nous verrons les grands prêtres de la révolution sociale prôner indistinctement les héros des différents groupes ; au surplus, n’oublions pas que tous les révolutionnaires destructeurs sont dirigés par le Comité Central des Frères Internationaux.

En 1877, — l’année qui suit la mort de Bakounine, — les politiciens français sont en guerre contre l’Église et contre le gouvernement du maréchal de Mac-Mahon ; Gambetta dénonce le cléricalisme comme l’ennemi ; c’est l’époque des querelles parlementaires, du 16 mai, des 363, c’est une période d’agitation politique. En Italie, le cabinet, ayant à sa tête le F∴ Depretis, obtient des députés, sur la demande du F∴ Mancini, ministre de la justice, le vote d’une loi essentiellement anticléricale, sous prétexte de réprimer les abus que peuvent commettre les ministres des cultes dans l’exercice de leur ministère en offensant les institutions et les lois de l’Etat, c’est-à-dire en critiquant l’usurpation piémontaise ; en vertu de cette loi, les usurpateurs pourront infliger l’amende et la prison aux prêtres et aux évêques, sur « poursuite des paroles provocatrices, de quelque autorité ecclésiastique et de quelque lieu qu’elles proviennent ». En Belgique, toute la presse libérale s’efforce d’ameuter la population contre le ministère catholique présidé par M. Malou. En un mot, l’agitation anticléricale est partout à l’ordre du jour, suscitée par la franc-maçonnerie. Pendant ce temps, les politiciens ne prennent pas garde aux hommes de la révolution sociale qui s’organisent, et les faits les plus graves, indices certains de cette organisation à ses débuts, passent inaperçus. C’est, en Italie, une émeute dans la province de Bénévent, conduite par Carlo Cafiero (l’un des biographes de Bakounine) et par Enrico Malatesta et Ceccarelli ; ces trois anarchistes, à la tête d’une trentaine de compagnons, s’emparent des mairies de Letino et de San-Galo, brûlent les archives, font main basse sur les armes et sur l’argent des impôts, et distribuent le tout à la populace. C’est, en Belgique, le congrès révolutionnaire international de Verviers, où paraît un personnage énigmatique, qui se déclare Piotr Levakhof et lit un mémoire qu’on eût dit rédigé par Bakounine lui-même. Et, par le fait, ce soi-disant Piotr Lovakhof n’est autre que le successeur de Michel Bakounine ; longtemps encore, il restera mystérieux ; lui et Élisée Reclus seront les deux consuls de l’anarchie, car le Comité Central des Frères Internationaux n’a pas un président, mais deux consuls qui doivent toujours être de nationalité différente. Jusqu’au 1er juillet 1876, c’étaient Bakounine et Élisée Reclus ; depuis la mort de Bakounine, ce sont Élisée Reclus et le prince Pierre Kropotkine, l’énigmatique Levakhof du congrès de Verviers, franc-maçon comme son prédécesseur et comme son collègue consulaire.