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Nous allons voir plus loin les « Pratiques d’Exécration ».

Dans les cènes triangulaires (banquets palladiques), il y a Benedicite et Grâces en style luciférien ; ces brèves oraisons célèbrent le rôle du Feu, principe surnaturel. Au dessert, on y chante le Goddaël-Mirar, hymne en langue incompréhensible. Dans les triangles italiens, et jusque dans les banquets de la maçonnerie ordinaire, Lemmi fait déclamer ou même chanter l’Hymne à Satan, au lieu du Goddaël-Mirar, et, par voûte encyclique du 21 janvier 1894, il a invité les poètes palladistes des divers pays à traduire en leur langue les strophes fameuses de Giosuè Cardacci.

Le Goddaël-Mirar n’est pas le seul de ces chants cabalistiques, passablement baroques d’apparence, imaginé par Albert Pike, et dont quatre-vingt-dix-neuf sur cent de ceux et celles qui les savent par cœur et les chantent ne comprennent pas un traître mot. Il y a aussi, en opposition au Veni, Sancte Spiritus, un certain extravagant Rabba-Rabbi Peyrèm, pour lequel j’eus toutes les peines du monde à garder mon sérieux, la première fois que je l’entendis. Ces chants cabalistiques sont au nombre d’une vingtaine. Les deux chefs-d’œuvre du genre sont le Gennaïth-Menngog, qui se chante pendant la première partie des œuvres de grand rite, comme un Veni, Creator, et, en second lieu, le Vanériam-Ohblerrak, qui se chante pendant la deuxième partie, si l’opération à bien réussi, et qui est ainsi comme un Te Deum d’actions de grâces.

J’avoue que je suis resté jusqu’à ces derniers temps à croire que ces sauvageries plus ou moins euphoniques n’avaient absolument aucun sens. J’ai été détrompé par un savant professeur de langues orientales, M. Le Chartier, à qui je fis transmettre le texte du Gennaïth-Menngog par mon ami M. De la Rive, à titre de curiosité. Même, je ne cachai pas mon peu de confiance dans le résultat de l’examen, tant j’étais persuadé qu’Albert Pike avait aligné des mots barbares sans signification, comme il arrive souvent pour les formules de vieux grimoires. « Qu’importent que les mots soient dépourvus de sens ! a écrit je ne sais plus quel enragé sorcier ; moins ils en ont, et meilleurs ils sont souvent pour opérer. »

Pour donner une idée de ces chants mystiques lucifériens, je reproduis donc le Gennaïth-Menngog.

Voici de quelle façon il est écrit sur les rituels :


    Mennggog comflexel aramoun-ir ;
    Menngog onnkippour sémetior,
            Barkeinrath !
    El-Gennaïth sacramenn foursillàh-gonn ;
    Marnitoubost elkramir soulp orem
            Frankollmar !