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au fond du puits où git, dites-vous, la Vérité ! Vous avez toujours peur du saut dans l’abîme, à gens de peu de foi !

« Vous préférez aller vers le chemin qui monte, c’est votre droit ! mais alors, si la Lumière est là-haut, vous ne devez pas jeter assez de lest… car vous êtes aveugles, hélas ! désespérément, et vous ne voyez même pas le vide immense qui se fait autour de vos spéculations.

« Ô demi-sages ! ô quarts d’apôtres ! qui n’osez pas vous livrer à la Vérité, qui n’osez pas dire ce qu’il faut dire, et alors vous manquez de vertu, ou qui ne pouvez pas le dire, et alors vous manquez d’autorité !

« Êtes-vous, oui ou non, capables de fixer ou bien de créer une formule qui s’adapte enfin à l’universalité des êtres, et non plus à un peuple, à une race, à une caste, à un seul sexe ?

« Non ! car il faudrait oser, il faudrait risquer, il faudrait être libres ; et vous êtes peureux, avares et soumis.

« Et vous croyez si peu, — ou si mal, — à ce que vous appelez Dieu, que vous ne lui prêtez que les volontés qui se peuvent accorder à vos intérêts et orgueils !…

« Ce que vous appelez « la vraie Église » et que vous opposez à la fausse, qui est l’Église catholique romaine, — que certes ! nous n’avons pas pour mission de défendre, voire d’exalter, puisqu’elle s’oppose à notre avènement féminin, et que tant qu’elle aura durée, nous resterons l’Ève pécheresse, — cette Église prétendue nouvelle n’est qu’une vieille chapelle rebadigeonnée au mieux, selon l’esthétique moderne, aux couleurs éteintes, mais absolument semblables aux anciennes. »

On le voit, Mme Renée Marcil ne veut pas d’une « demi-réforme » ; et voici comment elle insinue l’idée de la femme-prêtresse :

« Ne pense-t-on pas, parmi les gens qui ont le réel désir d’un idéal plus haut que celui de la matérielle pâture, autant que parmi ceux qui ne peuvent concevoir l’idée de la Morale dégagée de l’idée de Dieu, ne pense-t-on pas que la venue de la Femme, dans la philosophie, même dans la chaire religieuse, se fait quelque peu désirer ?

« Ne pense-t-on pas que c’est là précisément l’élément du nouveau idéal, auquel l’âme inquiète et troublée des peuples aspire ?

« Ne voici-t-il point de longs siècles que l’encens est allumé par la main des prêtres ? Pourquoi ne demanderait-on pas aux modernes prêtresses l’interprétation des oracles et la consultation des augures ?…

« Après la femme-médecin et la femme-avocat, la femme-prêtresse ! Pourquoi non ?… Est-ce que les Gaulois n’avaient pas les druidesses et les Romains les vestales ? Est-ce que la Grèce n’avait pas ses pythonisses ? Est-ce que la république mosaïste n’avait pas ses prophétesses ?… Et dans l’Inde antique, le grand Bouddha Çakia-Mouni chassait-il-la Femme de l’arbre Bodhi ? N’étaient-elles pas admises à l’étude de la Sagesse ?…

« Peut-on nier dès lors à qui revient la responsabilité de l’ostracisme féminin, et ne point considérer et reconnaitre l’immense et séculaire misère de l’humanité, ainsi amputée d’une de ses ailes et s’immobilisant dans un sommeil plein de cauchemars infernaux, n’ayant rien de commun avec la divine quiétude du Nirvâna ?