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monde naturel, et la religion non-idolâtre s’est trouvée toute différente de ce qu’elle devrait être. Il n’y a que Lucifer qui puisse tout remettre en ordre, et le chaos religieux cessera, dès que Jéhovah se sera réconcilié avec lui. Le Christ et Lucifer ne sont donc ennemis qu’aux yeux des prêtres catholiques ; en réalité, ils se complètent l’un l’autre. Actuellement l’œuvre du Christ est terminée, et c’est celle de Lucifer qui commence. Partant de ce raisonnement, ces infortunés, ces pauvres dupes du prince des ténèbres, adorent un Dieu en trois personnes (Jéhovah, le Christ et Lucifer) et souhaitent la prochaine réunion indissoluble de la Sainte Trinité, telle qu’ils la conçoivent.

Au surplus, rien n’est plus inouï que la variété de doctrines que le diable a la malice d’imaginer pour jeter les âmes dans l’erreur et les perdre ; le mensonge, dont il est le père, sait revêtir mille formes.

Lucifer en est arrivé jusqu’à se féminiser ; car voici l’étrange théorie professée par Mme Olympe Audouard, dans son petit cénacle de Maisons-Laffitte.

Il existe, de toute éternité, deux dieux contraires, deux principes au-dessus desquels il n’y a rien. L’un est mâle et noir, c’est le dieu Chaos ; l’autre divinité est femelle et blanche, c’est la déesse Lux. Chaos est méchant, Lux est bonne. Autrefois, il y a de cela plusieurs centaines de siècles dont le nombre n’est pas fixé, la bonne Déesse, voulant créer, mais ne pouvant rien par elle-même toute seule, captiva le méchant Dieu, se résigna à s’unir un moment à lui, et de cette union naquirent les mondes. Puis, la guerre recommença entre les deux principes divins, Chaos mettant ses efforts constants à vouloir tout anéantir, et Lux, au contraire, s’employant à multiplier partout la vie.

En cela est l’explication du bien et du mal qui se manifestent incessamment dans l’univers. Tout ce qui est mauvais provient de l’influence du dieu Noir ; tout ce qui est bon, de l’influence de la déesse Blanche.

Telle est la doctrine secrète que professeraient certains groupes féministes.

Dans l’humanité, l’homme, sans le savoir, est fils du Noir, et la femme, fille de la Blanche. L’homme est, par instinct, méchant, cruel, égoïste ; la femme, bonne, douce, altruiste. L’homme s’est adjugé tous les privilèges de l’existence. Il est menteur, même lorsqu’il dit : Liberté, Egalité, Fraternité. Le Noir a son sacerdoce, son culte : son culte préféré et celui qui lui est rendu par le catholicisme romain, dont les prêtres sont mâles. La Blanche est obligée de tenir son culte secret, et, à travers les âges, ses prêtresses ont été les pythonisses, les sybilles, les sorcières, verseuses de breuvages d’amour.

Jusqu’à présent, c’est Chaos qui règne sur l’humanité ; les femmes sont asservies à l’homme ; aussi, tout va de mal en pis. Mais la victoire définitive est assurée à Lux.

Le mouvement de rénovation sociale se prépare lentement, mais infaillible-