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jurer qu’ils défendraient jusqu’à la mort leur religion et le Temple saint. Les journaux plaisantèrent quelque peu, et, une fois de plus, le sâr Peladan et ses compagnons passèrent pour de simples toqués.

Mais qu’on réfléchisse, et l’on comprendra que l’explication donnée avait un double sens. Leur religion, c’est le satanisme ; par catholiques, ils entendent dire qu’ils sont universels. Le geste, avec le poignard dans la main, était une menace sacrilège à Notre-Seigneur Jésus-Christ présent dans la sainte Eucharistie. Et ils avaient eu l’audace de venir manifester de la sorte, en pleine cathédrale de Paris !

En vérité, je me demande quelle taie couvre les yeux des nôtres pour voir dans de pareils défis à Dieu de vulgaires et ridicules excentricités.




CHAPITRE XXXVII

Les Satanistes non-organisés


En dehors de ces groupes de spirites diabolisants et d’occultistes que je viens de présenter au lecteur, il y a quelques personnages agissant soit isolément soit au sein d’une petite coterie non reliée à une fédération.

Ceux-là sont rarement connus. C’est tout-à-fait exceptionnellement qu’on en rencontre quelques-uns qui recherchent le bruit et poursuivent la renommée, espérant devenir chefs d’une école nouvelle.

Je dois en citer, au moins, un ou deux, afin d’être complet dans mon étude.

La magie selon nos occultistes, est non seulement la science des sciences, mais le dernier mot de l’esthétique et de l’art. Il y a aujourd’hui une poésie occulte, une musique occulte, une peinture occulte, et nos artistes ésotériques ne sont pas embarrassés pour se bâtir une généalogie respectable qui fait remonter l’art ésotérique, sinon à Homère, au moins à Dante et à Shakespeare. Le grand théoricien de cette nouvelle esthétique, ayant aussi des prétentions au titre de mage, est M. Émile Michelet, un des rédacteurs de l’Initiation. Bien entendu, la théorie esthétique de l’occultisme se rattache au grand arcane kabbalistique des dix Séphiroth ou manifestations de l’Être absolu, « les dix Esprits ineffables du Dieu vivant ». La dixième des Séphiroth ayant une existence distincte des neuf autres, ces neuf sont divisées en trois triades, correspondant à chacun des trois mondes. Or, la troisième Séphiroth de la seconde triade, c’est la beauté, Tiphéreth, qui, dans le second triangle pantaculaire, est la résultante du principe mâle, actif du monde intellectuel, Khésed, lingam de l’intellectualité Géburah. Tiphéreth