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toutes les difficultés, c’est le Christ ! » Tel fut le texte de l’homélie satanique, qui débutait ainsi :


Mesdames et Messieurs,

« Ce que je vais avoir l’honneur de vous dire est tellement délicat, tellement grave dans la bouche d’un prêtre qui a tant de ménagements à garder à l’égard d’une Église dont il ne veut pas se séparer, quoi qu’elle fasse contre lui, quoiqu’elle ait mis tous ses livres à l’index et que, dans un diocèse, elle l’ait frappé d’interdiction ; ce que j’ai à dire est si délicat que, pour ne pas dépasser le but, afin de bien mesurer l’expression, j’ai préféré mettre par écrit tout ce que je désire vous exposer. Je vous demanderai donc la permission de lire et de ne pas improviser.

« Honneur aux pionniers de la Rénovation qui s’accomplit ! Honneur à vous, Mesdames et Messieurs, en qui se personnifie ici le génie transformateur. Vous êtes les précurseurs et les promoteurs du règne de la justice et de la vérité divines, règne promis aux hommes par le Messie… Pater, adveniat regnum tuum… Ce que vous avez fait est bon ! Ce qu’il vous reste à faire est encore meilleur. La marche de l’Esprit nouveau ne subira pas d’arrêt. Vous atteindrez au principe même de toutes les forces psychiques, à Celui qui a dit : « Ego Principium qui et loquor vobis. Je suis le principe de tout, je suis le foyer vivant d’où rayonnent les esprits. » (Jean, VIII, 12.)

« Par là vous sera dévoilé le Christ éternel, et vous comprendrez tous, chères sœurs et chers frères, que ce Christ divin n’a rien de commun avec le Christ du Vatican, avec le Christ du Syllabus, avec le Christ de l’Inquisition et des bûchers, avec le Christ de la Saint-Barthélemy, avec le Christ inhumain des Torquemada et des Santa-Cruz (grands applaudissements) ; mais qu’il est le pur Adam-Kadmon des Kabbalistes, c’est-à-dire le Règne hominal lui-même… »


Cet échantillon de la délicatesse du chanoine Roca doit suffire pour nous indiquer sous quelle inspiration ce prêtre apostat pouvait oser parodier ainsi le langage de Jésus-Christ et des apôtres, et à quelle impulsion obéissaient ceux qui osaient l’applaudir. Seul, le père du mensonge pouvait fermer la bouche à ces applaudisseurs, et les empêcher de s’écrier : « Comment pouvez-vous vous targuer d’appartenir encore à une pareille Église, « où, comme vous le dites, il ne reste plus que des hiboux et des chouettes, des rétrogrades et des obscurantistes, toute la gent noctambule dont la lumière blesse les yeux ? » Votre langage n’est qu’un impudent mensonge. » Mais non, tout cet auditoire, aveuglé par Satan, riait et applaudissait. Ils étaient fiers de se voir appliquer les prophéties d’Isaïe, de Jésus et de saint Paul, d’être proclamés par un prêtre apostat « les prêtres de l’ère nouvelle, les prêtres de l’esprit vivant… la fournaise cyclopéenne d’où sortira, forgée de toutes pièces, la constitution religieuse et sociale des sociétés de l’avenir ! »

Il faut avouer, qu’à côté des déclamations furibondes du chanoine Roca, les discours des Papus, des Fauvety, des Chaigneau étaient bien ternes et