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moins contradictoires, la Gnose ne varie pas sur un point de sa tactique : elle est et reste sirène, elle se montre sensuelle pour mieux séduire cette pauvre chair humaine, si prompte à défaillir. Et c’est peut-être par là qu’elle fait le plus de victimes. Il faut voir quel public d’efféminés, de blasés et de femmes nerveuses se presse aux Salons de la Rose-Croix. Les gnostiques, eux aussi, ont su attirer les femmes à eux ; elles affluent, âmes sensibles, autour des pontifes valentiniens et messianistes qui leur disent :

« Les âmes naissent par couples ; l’amour absolu unit indissolublement les âmes-sœurs, lorsqu’elles se retrouvent. Isis dormira sur le sein de son Osiris enfin retrouvé ! Quoi de plus beau que la dyade divine, que l’androgyne primitif reconstitué ! »

C’est Mme Piou de Saint-Gilles qui installe dans son château une communauté libre sous les auspices de la Fraternité de l’Étoile, et de ses directeurs, qu’elle prend pour ses Pères spirituels et conseillers intimes. C’est Mme Paule Janick, directrice de l’Éclaireur, qui se rallie aussi à la Fraternité de l’Étoile, « encore encrassée d’ignorance, mais lui apportant la bonne volonté dont son âme est animée ». Ses services sont agréés : elle écrit dans l’organe messianiste le Secret du Bonheur, où elle distille « le miel qu’elle a butiné chez Saint-Yves, la duchesse de Pomar (lady Caithness), l’abbé Roca, A. Jhouney, René Caillié, Papus, Stanislas de Guaita, Jules Bois, Jean Macé, les hôtes aimés de son ermitage pyrénéen ». Elle y recommande aux prêtres et aux curés la théologie scientifique de lady Caithness et de l’abbé Roca, et le travail de la première heure du Nuctaméron d’Apollonius de Tyane.

La rapide étude qu’on vient de lire, — portant sur les swedenborgiens, les martinistes, les rose-croix, les néo-bouddhistes, les gnostiques valentiniens et messianistes, — nous a montré l’organisation du satanisme moderne dans ses groupes les plus importants. Mais il est encore d’autres groupes d’occultistes, spirites ou magnétiseurs, qui diabolisent à outrance, mais qui ont un fonctionnement moins étendu dans sa sphère. Tout ce monde-là est sataniste, et il ne faut pas que les théories dont chaque groupe enrichit son programme créent le moindre doute à cet égard ; ces théories, on ne saurait se lasser de le redire, sont un trompe-l’œil, et rien de plus. C’est avec ces théories que l’on entraîne l’adepte, qu’on le fait sortir de sa religion (catholique, protestante ou israélite), qu’on soumet son cerveau à la recherche d’une conception absolument révolutionnaire de la divinité ; et, quand l’initié en est là, il a bien vite compris le secret des secrets, et il invoque désormais Satan comme nouveau Messie, comme archange destiné à la réhabilitation, sinon même comme vrai Dieu ; en tous cas, le dieu auquel l’occultiste décerne son hommage n’est plus le Dieu des catholiques.

Si ces divers systèmes étaient sincèrement posés par leurs inventeurs et