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l’autorité, soit religieuse, soit métaphysique, bourgeoisement doctrinaire ou même jacobinement révolutionnaire, il ne reste pas pierre sur pierre, dans toute l’Europe d’abord et ensuite dans le reste du monde.

Au cri de : Paix aux travailleurs ! liberté à tous les opprimés ! et de Mort aux dominateurs, exploiteurs et tuteurs de toute sorte !, nous voulons détruire tous les États et toutes les Églises, avec toutes leurs institutions et leurs lois religieuses, politiques, juridiques, financières, policières, universitaires, économiques, sociales, afin que tous les millions de pauvres êtres humains, trompés, asservis, tourmentés, exploités, enfin délivrés de tous leurs directeurs et bienfaiteurs officiels et officieux, associations ou individus, respirent avec une complète liberté.


Conclusion : il faut jeter à bas l’édifice social ; il faut tout raser à niveau du sol ; il faut tout détruire. Cela est écrit en toutes lettres dans le programme anarchiste.

Et ce qu’il y a de plus étrange, c’est que ces hommes qui ont créé le parti anarchiste militant sont précisément les mêmes hommes qui ont créé l’école doctrinaire collectiviste. Bien mieux, ces deux créations ont été faites en même temps.

Il semble qu’il y a là une anomalie, une contradiction. Pas du tout : cela a été voulu, cela a été bien calculé. Ils ont formulé la doctrine la plus en opposition avec la société moderne ; ils ont rédigé la théorie du monde renversé, et cela en des termes d’une violence extrême. Cette doctrine du collectivisme, cette théorie du bouleversement total de la société, ils l’ont publiée, imprimée, répandue dans les ateliers, dans les usines, à des milliers d’exemplaires. Ils ont fait appel à tous les cerveaux brûlés. Puis, quand ils ont eu réuni autour d’eux les exaltés, les violents, les socialistes les plus fanatiques de tous les pays d’Europe, alors ils ont opéré une sélection. Ils ont groupé à part les plus violents parmi les ultra-violents, les plus fanatiques parmi les ultra-fanatiques, et ils leur ont tenu ce langage :

— Il ne suffit pas d’être collectiviste, il faut être anarchiste. La doctrine du collectivisme, c’est une amusette. Ne nous préoccupons pas de ce que nous mettrons à la place de la société que nous allons détruire ; mais préoccupons-nous de tout détruire.

Dira-t-on que j’exagère ? Tenez, voici une citation textuelle du fondateur du parti anarchiste :

« Tous les raisonnements sur l’avenir sont criminels, parce qu’ils empêchent la destruction pure et empêchent la marche de la Révolution. »

Cela correspond exactement à ce que disait, en mai 1890, un anarchiste parisien, le rédacteur en chef de l’Attaque, interviewé par un rédacteur du Gaulois :

« Les anarchistes ne cherchent qu’à semer la révolte contre l’organisation actuelle. Ils prêchent l’action individuelle, qui définit les responsabilités ;