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Entre eux, ces jeunes gens s’appellent les nouveaux mages : ils se croient prêtres, et se sentent tels, disent-ils, par la vertu des onctions saintes qu’ils reçurent de l’Église au jour de leur baptême (?). Et ils célèbrent les divins offices, ils disent la messe, selon le rite même de l’Église catholique romaine, pas en public — mais portes closes, chez eux.

« Je ne m’étonne pas qu’un vénérable chanoine[1], plus autorisé que moi par son grand âge, par sa sainteté et par sa science, ait tranché la question en faveur de ces jeunes gens ; voici sa réponse : « Licet privatim, c’est permis à huis clos : non licet in publico, ce n’est pas permis à ciel ouvert. »

« Les arcanes du Christianisme leur sont devenus familiers : ils savent très bien que notre liturgie est de la théurgie, et que notre Rituel sacramentaire est un recueil de formules de Magie blanche où divine, d’une puissance non moins redoutable que celle dont disposait Moïse… Voilà les vrais prêtres. C’est en tremblant que ces nouveaux prêtres prononcent les paroles sacramentelles et qu’ils touchent aux choses saintes. Tremble-t-on de la sorte ailleurs, partout où la routine et l’inconscience estropient les signes kabbalistiques et bredouillent le formidable verbe, l’amen, le fiat, le hoc est, etc. ? »


Et plus loin, l’apostat Roca ose dire que Léon XIII lui-même pourrait bien devenir gnostique. Lisez encore ce passage, directement inspiré par le démon, où le misérable Judas annonce le bouleversement total du catholicisme, c’est-à-dire son espoir de voir le satanisme pontifier sous le nom même de l’Église catholique, dont le siège, d’après lui, sera transporté de Rome à Paris :


« Telle qu’elle est, la Papauté disparaîtra ; le Pontife de la divine Synarchie ne ressemblera pas plus au Pape de l’heure présente que ne ressemble à celui-ci le Pape du Lac-Salé (c’est-à-dire le patriarche des Mormons, habitant Salt-Lake City)… Le nouvel ordre social s’inaugurera hors de Rome, sans Rome, malgré Rome et contre Rome.

« Tout chrétien est appelé à devenir son propre gourou, son roi, son prêtre et son pontife. Tout homme sera roi, tout homme sera prêtre, tout homme sera divinisé. C’est « le règne divin de l’humanité » de Comte, le « phalanstère » de Ch. Fourier, « l’âge d’or de l’avenir » de Saint-Simon, la « Synarchie universelle » de Saint-Yves, le communisme et le socialisme des anarchistes…

« La hideuse plaie du célibat disparaitra, même des casernes, le jour où elle aura disparu des presbytères. Les prêtres deviendront les directeurs des Unions syndicales, des Sociétés mutuelles et des Agences coopératives de production, de consommation, de retraite et d’assistance officielle.

« La Basilique centrale de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité s’élèvera au xxe siècle sur le mont Valérien. Là siègera le Souverain Pontife de l’Humanité. Les temples nationaux des deux hémisphères seront reliés à ce temple central par des fils électriques, des téléphones et des lignes ferrées, dont le triple réseau portera le Verbe du Grand-Prêtre chez tous les peuples de la terre. Ce

  1. Ce chanoine est, sans doute, le dignitaire ecclésiastique parisien qui se dissimule chez les occultistes sous le nom de R. P. Alta : c’est sans doute aussi le personnage que M. Huysmans à mis en scène dans son roman en le masquant du pseudonyme « chanoine Docre ».