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qui a lieu chez les modernes gnostiques. Ils évoquent Hélène, comme leurs prédécesseurs, et un démon leur apparaît, affectant la forme de cette femme légendaire et se donnant à eux ; et comment ces égarés expliquent-ils ce prestige ? Ils s’imaginent que c’est bien Hélène qu’ils voient, qu’ils touchent, qu’ils embrassent ; si elle reparait pour eux, pensent-ils, c’est qu’elle est ressuscitée par la régénération du feu (I. N. R.I., igne natura renovatur integra). Il n’y a pas à se tromper sur le sens des dernières lignes que je viens de reproduire.

Dans un autre article de l’Initiation (1893), intitulé : la Gnose d’Amour, le F∴ Doinel raconte l’histoire d’Akhamoth, la fille-avorton de la Sophia, et il écrit ceci :


« Elle eut un double époux : Jésus et l’Amour : Jésus racheta l’esprit, et l’Amour (Eros, fils de Bythos et de Sigé) racheta la chair… Ne croyons pas que la Gnose soit triste : elle est joyeuse et forte. Elle aime et jouit de ce qu’elle aime : omnia munda mundis… Akhamoth sentit palpiter sur son cœur brisé le cœur éternel de son amant, le Sacré-Cœur ! Le Cantique des Cantiques est le pâle reflet de l’épithalame que chantèrent alors les Éons. Éros[1] s’était fait chair. Le grand mot mystique fut proféré : I. N. R. I. Le Tau fut formé ; la Rose-Croix fut jointe. Fils de l’esprit et de la chair, nous naquîmes d’Éros et d’Akhamoth. Notre mère commença alors sa mission. Elle sema les étincelles du feu sauveur, dont le Soleil est le symbole cosmique, et que les théologiens du Démiurge appellent la convoitise… Les pneumatiques s’aiment et se possèdent. L’éon Edoné (la volupté) est le lien qui les unit. Les grands amants sillonnent la nuit des âges comme des phares lumineux : Simon, Hélène ! — Abélard, Héloïse ! »


M. Jules Bois s’est occupé des gnostiques modernes, dans son livre les Petites Religions de Paris.


« Le clergé gnostique, dit-il (page 179), formé de beaucoup de prêtres et de prélats catholiques, se compose d’évêques et de Ma Dame, de diacres et de diaconesses, d’un patriarche ou d’une Sophia terrestre. Celui-ci ou celle-ci porte l’anneau d’argent où s’enchâsse une améthyste : ses gants sont violets, le Tau est suspendu à son cou par un cordon de soie violette. L’habit de ville s’orne d’un petit manteau……

« Une table seulement recouverte d’une nappe impolluée, voilà l’Autel. Deux flambeaux y veillent sur l’Évangile de saint Jean, patron de la secte. Tout d’abord on énonce le Pater à genoux ; puis l’officiant se lève, tenant la coupe et le pain enveloppés d’un linge sans tache. Il bénit avec trois doigts, gnostiquement, et s’écrie : Touto esti, touto sôma (ceci est mon corps), car le grec mêle à ce culte délicat sa grâce savante. Vers les fidèles il se tourne, les exhorte à confesser publiquement leurs péchés, comme les premiers chrétiens ; et s’ils se repentent, les leur remet. Enfin, il invite les plus dignes à manger le corps et à boire la coupe du sang de l’Éon Christ.

  1. Par Éros. le F∴ Doinel entend désigner l’éon Horos de la légende valentinienne : car, pour désigner ce demi-dieu, qui est l’Amour, on dit indifféremment Éros, Horos ou Horus.