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nous sommes sauveurs à notre tour. La Gnose est une grande jalouse : elle exige tout ; elle veut qu’on vive, elle veut qu’on meure pour elle. »

Le F∴ Doinel ne s’arrête pas aux anciens gnostiques des premiers siècles du christianisme ; il étend ses sympathies et son enthousiasme jusqu’à leurs descendants des xie, xiie et xiiie siècles, aux Cathares et aux Albigeois. C’est en souvenir des Cathares brûlés en 1224 au château de Montségur qu’il a été, par le démon, sacré évêque de ce titre. Les « martyrs » de la gnose sont les saints de son calendrier. Il recueille pieusement tous les souvenirs historiques qui se rattachent à leur vie ou à leur mort. C’est ainsi qu’il célèbre les deux apostas d’Orléans, le chanoine Lisoie et le chancelier épiscopal Étienne, dont j’ai parlé dans le chapitre de la Possession (voir au 1er volume, pages 823 et suivantes), ces deux misérables qui se souillèrent de mille crimes et qui expièrent leurs forfaits, lorsqu’ils furent découverts et dénoncés par le seigneur Arefaste. Il possède une charte écrite de la main de cet Étienne, et c’est pour lui une relique. « Que la date du 28 décembre 1022, écrit-il, devienne sacrée pour vous tous, mes frères et mes sœurs initiés ! » C’est la date du juste supplice de ces scélérats. Il admire la femme qui les a perdus, qui les a poussés au crime : cette séductrice est une Sophia, démoniaque, qui entraîna tant de malheureux dans l’abime infernal, en leur donnant le consolamentum, imprégnation diabolique par l’imposition des mains.

Dans l’église sataniste du F∴ Doinel, on administre les trois sacrements gnostiques : le Consolamentum, imposition des mains et baiser-baptême ; la Fraction du pain, parodie sacrilège de l’eucharistie ; et l’Appariamentum, ou réunion à la grâce, sacrement dont le patriarche de la secte a seul le monopole.


« L’Hélène-Épinoïa de Simon, écrit-il dans l’Initiation (1892), est pour lui l’incarnation de la pensée divine ; à son exemple, ses disciples choisirent chacun une Hélène. Il se forma ainsi une société édénique, où la femme devint l’organe de l’esprit pur et le canal du divin. Par la foi en la femme, en Hélène, le pneumatique était délivré de l’empire du Démiurge. Simon créa avant Augustin la grande formule des Eggrégores et des Mages : « Ama, et fac quod vis. »… La loi imposée par le Démiurge n’oblige pas ; il n’y a que deux lois : la science et l’amour… Samarie adora en ce couple (Simon-Hélène) l’éternel androgyne, Deadeus. Aussi, la mémoire de cette femme nous est précieuse et sacrée. L’intuition nous a appris d’elle beaucoup de choses qui ne peuvent se dire qu’entre initiés. De Ennoia Helena silendum est ! Qui tamen invocant eam, non confundentur. Semper enim est virens ad dandam seipsam nobis, facie ad faciem ; nom I. N. R. I. » (Il faut se taire sur Ennoia Helena ! Cependant, ceux qui l’invoquent ne seront pas confondus. En effet, elle est toujours vivante pour se donner à nous, face à face, car I. N. R. I.)


Par ces derniers mots, le F∴ Doinel se trahit, et nous qui connaissons ce qui se passe dans des assemblées de ce genre, nous voyons bien par là ce