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rentreront dans le néant, en corps et en âme, la matière et tout ce qui est âme animale devant être annihilé. D’où il résulte que, selon les valentiniens, il n’y a point de jugement après la vie, point de ciel à espérer, point d’enfer à craindre ; il n’existe ni péché ni grâce, ni miséricorde divine ni rédemption dans le sens que les catholiques attachent à ce mot ; il n’y a ni vertus ni vices, ni bien ni mal moral. Les trois substances dont se compose l’homme agissent chacune selon sa nature ; la vie les unit sans les mélanger et sans leur imposer la solidarité ; la mort les rendant à la liberté, chacune se replonge dans son élément, et toute individualité disparaît.

Eh bien, cette folie satanique est la doctrine d’un groupe de mages noirs, aujourd’hui encore. On prétend que le gnosticisme valentinien s’est transmis de siècle en siècle et que les évêques de la secte ont la consécration réelle (mais alors sacrilège) par une chaîne ininterrompue.

Après s’être longtemps cachés, les gnostiques modernes ne font plus mystère de leur organisation ; mais, pourtant, ils ne se montrent pas au grand jour, comme les Rose-Croix. Très peu d’entre eux commencent à se nommer dans les journaux de l’occultisme. Nous savons cependant qui est leur patriarche ; ils se vantent d’avoir parmi eux des prêtres catholiques ; l’un de ceux-ci, mort récemment, était un interdit, nommé l’abbé Roca.

La secte est surtout greffée sur certaines loges de l’obédience du Grand Orient de France. Son patriarche était naguère (de septembre 1890 à septembre 1893) un des membres du Conseil de l’Ordre : M. Jules-Benoît Doinel, archiviste à Orléans, dont j’ai déjà cité le Chant des Adeptes d’Isis.

Ce F∴ Doinel s’intitule évêque de Montségur, depuis 1867. Il a des apparitions et prétend avoir reçu l’imposition des mains de l’éon Jésus-Soter en personne. Dans l’Initiation, dans l’Étoile, dans l’Aurore, il a célébré tour à tour les grands gnostiques, Simon le Mage, Montan, Théodote, Basilide, Cerdon, Marcion, etc. ; mais il se complaît surtout à se dire valentinien, el il signe ses vers et sa prose : « T. Jules, évêque valentinien de Montségur ». T veut dire : donné sous le Tau ; c’est la formule des actes officiels.

« La Gnose, a écrit le F∴ Doinel, fascine l’imagination, charme le cœur, séduit la raison ; celle de l’harmonieux Valentin est la plus haute ».

Il est de lui, ce Cantique au Saint Plérome :


L’infini qui déroule
Partout, en haut, en bas,
La formidable houle
De ses flots jamais las ;