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Leur système est celui de Valentin, c’est-à-dire un gnosticisme qui n’est pas tout à fait celui de Simon le Mage.

Valentin est un hérésiarque fameux du IIe siècle, né à Phrébon, dans l’Égypte, et mort vers 161. Engagé dans les ordres, il était ambitieux et visait l’épiscopat ; d’un esprit très cultivé, doué d’une éloquence de premier ordre, il avait étudié à Alexandrie et y avait acquis une connaissance approfondie de la langue et de la littérature grecque. Un évêché se trouvant vacant dans l’île de Chypre, il le brigua ; mais un vieux prêtre, victime des persécutions païennes, lui fut préféré. Il n’en fallut pas davantage pour l’animer d’une sourde haine contre l’Église et lui faire former le projet de la combattre en suscitant une nouvelle secte. Il embrassa, secrètement d’abord, le gnosticisme, et le répandit en Égypte sous une forme perfectionnée ; au système de Simon, dont il supprima l’Epinoïa, il mêla une doctrine tirée des idées de Platon et de celles de Pythagore, et y adjoignit encore une théogonie se rapprochant assez de celle d’Hésiode, donnant le tout comme une interprétation mystique de l’Évangile de saint Jean, le seul qu’il déclarait authentique. Puis, s’étant acquis de nombreux partisans en Égypte, il vint à Rome, sous le pontificat de saint Hygin, dissimulant plus que jamais sa propagande satanique à l’abri d’un faux zèle pieux, tout extérieur. Il ne fut démasqué qu’après deux ans de manœuvres dans la capitale de l’Église et fut excommunié (142) par le pape saint Pie Ier, dès les premiers temps de son pontificat. Il sortit alors furieux de Rome et gagna l’île de Chypre, d’où, pendant près de vingt ans, il inonda le monde catholique de ses écrits dissolvants. Il fut combattu par saint Justin, l’héroïque martyr ; mais sa doctrine abominable, artificieusement développée par ses disciples, dont les plus célèbres furent Ptolémée, Secundus, Héracléon, s’était répandue dans l’Europe entière, quand il mourut, et y comptait d’innombrables partisans ; des évêques même se laissèrent corrompre.

Cependant, cette doctrine n’a pas besoin d’un grand examen pour apparaître ce qu’elle est : un monument d’insenséisme, directement inspiré par le prince des ténèbres.

D’après le gnosticisme valentinien, la vie actuelle du monde n’est qu’une désorganisation du plérome ; c’est ainsi que la secte nomme « la plénitude de la divine substance ». Tout se rapporte donc au plérome, dont la reconstitution, au bout de nombreux siècles, sera la fin du monde ; en d’autres termes, le trouble aura alors cessé, tout sera rentré dans l’ordre divin.

Et voici comment le plérome s’est d’abord formé :

Dans les profondeurs de l’Absolu, dans l’abime qu’aucune intelligence ne saurait sonder, existait de toute éternité la Pensée, la Conscience objective, dont l’Absolu se servit pour ses manifestations extérieures, après des siècles de repos et de silence. Ce dieu suprême, inconnu, ce principe éternel qui