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« La Franc-Maçonnerie, dit-il, issue du Temple, fut dans l’origine une société d’initiation. Elle a été puissante et terrible. À part quelques rares loges qui sont demeurées sérieuses et respectables, comme certaines du rite écossais et du rite de Misraïm, l’ensemble de la secte est devenu une agglomération d’imbéciles, de grotesques et de malfaisants. Comme dit Péladan, ils ignorent l’aleph du symbole qu’ils professent… Après les justes et sanglants lazzis de MM. Andrieux et Léo Taxil, toute la séquelle des grands orientaux eût dû crouler sous une avalanche de huées et de sifflets.


Que de bonnes gens, après avoir lu cela, ont dû se dire : — Ce brave M. de Larmandie, quel excellent catholique !

L’initiation ésotérique est réservée aux intellectuels ou aux cérébraux, et non au vulgum vecus. « Vouloir réduire les intellectuels au catéchisme est une ineptie, une insupportable sottise : le catéchisme est une lunette de myopes… Nous, catholiques croyants, pensants, militants, n’abaisserons jamais notre foi à admettre Jonas au ventre de la baleine. » Et voici son commentaire, digne de Voltaire : « Jonas se retira pendant trois jours à bord d’un bateau qui s’appelait Baleine ; l’usage bien connu des Chaldéens étant de donner des noms de poissons à leurs navires. » Il en conclut qu’il faut admettre « un enseignement gnostique, un Saint des Saints, réservé à l’aristie mentale, et à jamais interdit à la populace des ruminants ».

La Révélation n’est pas un dévoilement, mais un revoilement, un exotérisme plus ou moins grossier, qui met la vérité à la portée des cerveaux rudimentaires de la masse (théorie d’Éliphas Lévi). « Quand un certain nombre de siècles sont arrivés à user un habillement de la vérité (une révélation), il a fallu en trouver un autre pour draper à nouveau cette lumière inaccessible[1]. L’Initiation est donc supérieure à la Révélation, et réservée à un petit nombre. Ainsi, par exemple, la Révélation dit au début de la Genèse : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » ; et l’Ésotérisme traduit : « Quand les archétypes furent, les êtres ministériels des forces séparèrent le fixe du volatil. »

En conséquence de ces principes, qui ne sont que ceux de Swedenborg et de d’Olivet, l’auteur d’Éôraka voudrait voir l’enseignement de la haute magie prendre une place importante dans l’enseignement des grands séminaires ! Le passage est capital, en ce que l’auteur, en nous disant ce qu’il pense du miracle, s’y rattache nettement aux mages de l’antiquité et aux alchimistes du moyen-âge, à Apollonius de Tyane et à Paracelse.

  1. On ne voit pas trop comment l’auteur peut faire accorder avec ces principes si nettement posés ce qu’il dit plus loin du Bouddhisme : « Il y a un grand trésor de vérités dans le bouddhisme ésotérique ; mais vouloir nous faire adhérer à Bouddha quand nous avons Jésus, serait proposer nos trains express à la théorie des oiseaux du ciel. » Il est vrai qu’il dit ailleurs : « Il y a bien peu de différence entre le bouddhisme ésotérique et ce que l’on peut appeler le catholicisme ésotérique. »