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la grande tour de Babel, toutes les petites qu’on veut recommencer contre elle. Or, la magie est une de ces taupinières… Et d’ailleurs, cette invention presque impie d’un homme, surnaturel par la science, qui n’a plus les proportions humaines et dont l’action sur les évènements est irrésistible, n’est pas meilleure ni plus vraie en littérature qu’en théologie ; car une telle création supprime cet intérêt que tout roman a pour but d’exciter. Avec un pareil procédé, l’art est trop facile. »


Un chapitre entier nous montre Mérodack se livrant à tous les rites de l’envoûtement le plus diabolique. L’impiété que Barbey d’Aurevilly reproche à l’auteur consiste à donner à ces rites une apparence et une forme d’un catholicisme très orthodoxe et à présenter le merveilleux diabolique comme un merveilleux divin. Témoin ce passage, page 277 :


« Une heure après, s’étant purifié par des ablutions, Mérodack, revêtu d’une robe de lin, une baguette de fer aimanté à la main, faisait des signes cabalistiques, debout, au milieu d’une pièce tendue de laine blanche et éclairée d’un chandelier à sept branches, il disait :

« — Devant vous, Mon Seigneur Jésus-Christ, je viens sonder mon âme. Dieu de justice, vous m’avez permis la connaissance des lois, et j’ai le droit de hâter le châtiment d’un mauvais. Je sais la loi qui tue, j’ai dans la main votre épée de feu : avant de frapper, je viens vous dire, voulez-vous que je sois votre bras ?… Vous ne faites naitre en mon cœur aucun doute ; vous permettez donc au mage de frapper avec la loi, selon la justice ? »

« Il s’irrita, écoutant sa pensée et cessant la prière pour |’ incantation :

« — Devant celui qui est trois et qui est un, qui s’est incarné en Jésus-Christ qui a dix splendeurs, auxquelles on arrive par cinquante portes de lumière ; devant les neuf chœurs des anges et les sept sceaux du livre : devant mes pères, les Saints et les Génies ; devant les Mages, mes frères, je condamne à mort le monstre qui a violé un lys.

« — En Soph, madame la Vierge, avertissez-moi, si je vais mal faire. »

« Après un silence, il reprit d’une voix forte :

« — En mon intelligence et ma continence, par la grâce de Dieu et l’effort de ma volonté, affranchi des lois sexuelles, j’écris mon Verbe dans ma lumière astrale. Ce jour de Saturne, le dix-septième de la quatrième année de ma naissance. »


Et là-dessus, il se fait faire le volt, une tête de cire, la tête du marquis de Donnereux, sa victime, que Dieu, la Vierge et les saints lui abandonnent ; il adapte étroitement un serre-tête de soie à l’effigie, la presse, la déprime, l’aplatit, la liquéfie, la tord, jusqu’à ce que le marquis expire dans un dernier rôle.

Cette idée domine tout l’œuvre de Joséphin Péladan : le Mage est le seul prêtre légitime et saint des temps modernes.


« Seul, dit-il ailleurs (À cœur perdu), le sacerdoce laïque des Templiers et de la Rose-Croix laisse intacte l’originalité et plénière coudée à l’individu. Aussi, ces Tertiaires du Saint-Esprit qui se comptent et se groupent dans l’ombre