Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il n’a été publié du docteur Adrien Péladan qu’un ouvrage inachevé trouvé dans ses manuscrits, et intitulé l’Anatomie homologique. Il y prétend avoir trouvé le grand secret des initiations antiques, qui n’est autre que ce qu’il appelle la grande loi de l’Équilibre vital, loi qu’il applique en particulier à la biologie de l’androgyne humain.

Adoptant sur la nature humaine les doctrines de la Kabbale et de la Gnose, il distingue dans l’être adamique trois centres d’activité : 1o le foyer intellectuel, localisé dans le cerveau ; 2o le foyer animique, localisé dans le cœur et le grand sympathique ; 4 le foyer sensitif, localisé dans le sexe. — Traits saillants de sa physiologie humaine : l’homme est féminin (ou négatif) dans son cerveau, et mâle (ou positif), dans son sexe ; la réciproque a lieu chez la femme, à qui ce docteur insensé attribue un cerveau mâle (ou positif) en opposition à son sexe, féminin (ou négatif). Le cerveau mâle de la femme donne le germe des idées, la semence intellectuelle. C’est l’amour qui a tiré le monde du chaos ; c’est l’amour qui replacera l’être humain dans la voie normale de sa future réintégration, en le restituant à l’état d’androgyne harmonique, dans le sein de l’unité adamique et céleste, le Verbe. Et voilà la science de ce docteur-là !

Le Sâr parle quelque part de la beauté androgyne et maladive de l’adolescence de son frère ; il est à supposer qu’il lui a servi de modèle dans le portrait si minutieusement fouillé et si amoureusement caressé du Samas de l’Androgyne. Le docteur avait écrit ses propres confessions sous la forme d’un roman : l’Amour et la Vie, dont le manuscrit est perdu. Ce qu’il y a de certain, c’est que c’est bien lui que le Sâr a voulu représenter dans un des personnages de ses romans qui a le plus frappé par son étrangeté, le Mage Mérodack du Vice Suprême.

La doctrine de l’androgyne du docteur a passé dans les écrits de son frère. D’après Comment on devient Mage, livre purement dogmatique, l’homme est né androgyne, avec une corporéité fluidique, non organique, et le couple humain redeviendra androgyne. Dans Comment on devient fée (Manuel magique de la femme, comme le précédent est le Manuel magique de l’homme), il peint Adam, comme Androgyne, Adam-Ève, « semblable à une amande double ». Du reste, toute sa doctrine sur l’origine et la genèse de l’homme est empruntée à Fabre d’Olivet, dont il accentue encore les interprétations fantaisistes. Voici, par exemple, comment il traduit, après lui, les versets 18 et 21 de la Genèse :

18. « Ensuite Joah Elohim, prévoyant qu’Adam n’arriverait pas de lui-même à l’état de conscience : « Je lui ferai une parèdre, dit-il, en le dédoublant de son réflexe. »

21. « Alors Joah Elohim suspendit la sensibilité d’Adam, et il rompit son unité androgyne, et prenant le passif ou réflexe, il l’individualisa par une forme, où la courbe, qui est la beauté, dominait. »