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moment par un envoi surdosé du pharmacien Wilmer Schwab, de Leipzig. Dès lors, le vétéran des grandes guerres catholiques appendit sa bonne épée et ne mania plus que le calame d’un orante : le polémiste monta s’évanouir dans l’extase. Il écrivit l’Histoire de la Sainte Vierge, se dépensa en opuscules sur les Secrets de Mélanie et de Maxima, les Apparitions de Boulleret, les Voyantes de Diémoz, la Vie de Saint Christophe. La banalité d’une fluxion de poitrine a mis fin à des œuvres demi-séculaires… Sa mort couronne d’unité parfaite une vie sublime d’unité, où le Chevalier de Montsalvat a restauré le Graal mystique. Ce laïc valait mille prêtres…

« Malheur à qui se scandalise ! Tandis que de très nobles esprits font des fouilles profondes et retrouvent les trésors de l’Ésotérisme, j’assiste, étudiant avec eux ces reliques, mais j’y cherche la marque cachée de leur origine, le signe de leur destination vaticane ; je suis, sans plus de mandat qu’un nabi, le légat apostolique auprès de la Magie, afin qu’au jour prochain du dévoilement de ces préciosités, l’Église, par ma voix, reste possessive de ces vases sacrés qu’elle a oubliés et perdus… Tandis que le Démiurge de chaque race restitue les monuments de la Révélation primitive et rénove ses vieux symboles, je suis pieux, n’est-ce pas, à mon père, de restaurer le grand taureau ailé à face humaine des Kasdim, et, au travers des ironies l’ayant dressé, je le pousserai jusqu’à l’encastrer à la façade de Saint-Pierre, pilastre auguste entre tous… Oh ! les sublimes mystères ! évolution ineffable ! Père, de Malchut aidez-moi à tenter le victorieux effort en Yesod ; à en réaliser en Hod l’amour pur ; que Netzakh m’élève, grâce aux prestiges conquis en Tipheret ; sauf devant Geburah, accueilli par Khesed et lavé de toute indignité, que mon culte de Binah et le baiser d’Hochmah m’élève jusqu’à Kether où vous êtes, le front lauré de pensées sublimes sous le rayonnement de Dieu ! »

2. Oraison funèbre du Docteur Adrien Péladan fils (1886) :

« Le docteur Péladan fut un docteur illuminé ; comme le bienheureux Raymond Lulle, il composa un Ars magna, assis sur la pierre cubique, accoudé sur la table d’émeraude ; comme Postel, il avait la clef des choses cachées ; comme Kunrath, il construisit son Amphithéâtre de la Sagesse éternelle ; comme l’abbé Trithème, il connut les causes secondes ; ce sémite commenta le Zohar, et sa magique origine éclate dans sa mort même qui dépose en faveur de la réalité des sciences occultes. Je témoigne devant l’incrédulité du siècle qu’en 1879, le docteur Péladan fit dresser sa géniture et la commenta d’après l’in-folio de Morin (Astrologia Gallica), astrologue en titre de Richelieu, et qu’il me dit : « Je suis menacé de mourir empoisonné par un médicament étranger que je prendrai moi-même. » À cette heure fatale qui enténébra toute ma vie, j’étais à deux cents lieues de la catastrophe, et j’ai senti tout à coup une défaillance me coucher sur ma page. Français et catholique, le docteur Péladan a été tué par un remède allemand et protestant ! L’Allemagne est la grande Locuste de l’Occident. Un des princes de la science, il en fut le martyr. Le Chevalier Adrien Péladan père est seul, avec moi, à connaitre la mesure de cet entendement. Les manuscrits ne sont pas seulement écrits à l’hébraïque, il ne suffit pas d’un miroir pour les lire : commencée en chinois, continuée en syriaque, la phrase s’interrompt de hiéroglyphes, de cryptographies et de pantacles… »