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combien de regrets me laisseras-tu ? » Le sage répondit : « Apaise-toi, mon épouse ; dans une prochaine existence, tu renaîtras homme. »

On ne saurait s’étonner de voir l’enseignement de M. de Rosny dénoncé comme immoral et corrupteur de la jeunesse, quand on lit, par exemple, dans un Discours d’ouverture de son cours à l’École des Hautes-Études (1886) les professions de foi suivantes :

« L’idée de Dieu est la plus haute et la plus belle invention de l’homme… Cette idée, à l’origine, et pendant bien longtemps, n’a sans doute été rien de plus que la perception confuse et passagère de quelques individualités d’élite. Presque toujours elle a été exploitée comme un instrument de servitude et d’abrutissement. » Quant au bouddhisme, la religion personnelle de M. de Rosny, « il y a, dit-il, une contradiction flagrante entre l’adoration d’un Dieu quelconque et l’observation du Bouddhisme, qui non seulement ne confesse pas la foi en Dieu, mais, comme le dit M. Barthélemy Saint-Hilaire, n’en admet pas même l’idée d’aucune espèce de façon. » (Discours d’ouverture, page 20). — On ne saurait plus clairement prêcher l’athéisme sous le nom de Bouddhisme. « Qui capere potest, capiat, » ainsi qu’il le dit lui-même (page 31). Personne du reste n’a mieux fait ressortir les dangers de la doctrine bouddhique :

« Le Bouddhisme possède en soi je ne sais quelle inexplicable attraction qui amène insensiblement, et sans qu’on s’en aperçoive, sur une pente périlleuse pour la raison. Il produit des troubles encéphaliques qu’il convient d’étudier, mais qui n’en sont pas moins dangereux. D’abord, on accueille avec un sourire ironique cette philosophie dont le terme suprême consiste à cesser d’avoir conscience de soi-même, je me trompe, à n’avoir pas conscience qu’on n’a plus conscience de soi-même. Mais bientôt, semblable au voyageur qui, épuisé par une marche longue et ininterrompue, ne résiste plus au besoin de se reposer et se couche dans le linceul neigeux des hautes montagnes, ou tel que le rêveur assis sous l’ombrage du légendaire mancenillier, celui qui écoute la parole du Bouddha arrive peu à peu, sans s’en douter, à une sorte d’assoupissement hypnotique et d’atrophie cérébrale ; et dès lors il accepte avec une complaisance servile les théories qu’il repoussait hier avec mépris et qu’il affirmera peut-être demain avec une ardente ferveur. J’ai connu des missionnaires de l’Évangile qui, après avoir vécu quelques années au milieu des populations bouddhiques, ont fini par devenir de véritables adeptes de la foi de Câkya-Mouni[1]. Au moment même où je vous parle, il se crée des associations religieuses qui prétendent se rattacher au Bouddhisme, et l’on vient de reprendre le projet de construire des pagodes dans plusieurs villes de l’Europe et notamment à Paris. »

  1. Toujours les mêmes fanfaronnades ! On les rencontre dans chaque secte.