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peine est commuée en détention perpétuelle. Mais voilà que l’Autriche le réclame pour le juger, à propos des faits de Prague ; nouvelle condamnation à mort, nouvelle commutation et nouvelle extradition. La Russie se fait remettre l’ardent conspirateur. Troisième condamnation à mort, non suivie d’exécution. Après un assez long internement dans la forteresse de Schusselbourg, Bakounine est expédié, en 1852, en Sibérie. Il finit par s’en évader, gagne les États-Unis, revient en Europe. Il est à Londres en 1861. Enfin, en 1864, il se fixe en Suisse, à Lugano, foyer célèbre de complots.

L’année suivante voyait la création de l’Internationale. On sait la part qu’y prirent des francs-maçons notables, les Karl Marx, Tolain, Fribourg, Varlin, Camelinat, Beslay, Malon, Corbon, etc. Or, dans la voie révolutionnaire, c’est toujours à qui surenchérira en extravagances. L’Internationale ne tarda pas à être trouvée trop modérée, et, dès 1868, apparaît le parti collectiviste, s’organisant avec éclat.

Cette année-là, les révolutionnaires internationalistes de divers pays s’étaient réunis à Berne en un congrès qui s’intitula Congrès de la Paix et de la Liberté. L’assemblée se composait de cent dix membres. Bakounine, appuyé par le F∴ Élisée Reclus, le fameux géographe, et par le F∴ Jaclard, jeune disciple du F∴ Blanqui, proposa au congrès d’adopter un programme communiste basé sur « l’égalité économique et sociale des classes et des individus ». Cette proposition fut rejetée par les socialistes libéraux, au nombre de quatre-vingts ; et la minorité, qui comptait trente membres, venant de prendre le nom de collectivistes, fonda alors, en concurrence à l’Association internationale des Travailleurs, à la tête de laquelle était l’allemand Karl Marx, une nouvelle société dont le titre fut : Alliance internationale de la Démocratie Socialiste.

L’Alliance, qui était ainsi l’Internationale des collectivistes, donna à son tour naissance au parti anarchiste, et voici comment :

Dans l’Alliance, Bakounine, Reclus et Jaclard instituèrent trois degrés d’adhérents : un degré semi-public et deux degrés secrets.

Au bas de cette échelle se trouvaient les membres ordinaires de l’Alliance, c’est-à-dire les ouvriers recrutés dans les ateliers et les usines. Au sommet, se trouvaient les Frères Internationaux, membres secrets du degré suprême, au nombre de cent en tout. Au degré intermédiaire, étaient les Frères Nationaux, choisis avec soin parmi les adhérents inférieurs de l’Alliance et désignés par les Frères Internationaux pour préparer la révolution dans chaque pays, d’une façon indépendante. Les Frères Nationaux, deuxième degré secret, ne devaient pas révéler aux autres membres semi-publics de l’Alliance qu’ils étaient investis, eux, d’une mission spéciale ; et, d’autre part, ils ignoraient l’existence d’une haute direction internationale au-dessus d’eux, ou tout au moins ils devaient s’abstenir d’une façon absolue de chercher à pénétrer les secrets des Frères qui les avaient choisis.