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entier sur la connaissance des éléments occultes des Anciens, et se trouve ainsi non seulement sapé dans sa base, mais détruit dans son essence même.

Voilà, mes Frères, le résultat que l’on obtient lorsqu’on a l’imprudence d’entreprendre des remaniements dans la construction d’un édifice, sans posséder, ne fût-ce que les notions les plus élémentaires de l’Art architectural. La publication des nouveaux Rituels du Grand Orient de France enlève à notre Institution tout le prestige dont l’entourait son titre d’héritière des Mystères Antiques. Rien ne pouvait donner une preuve plus éclatante de l’impuissance où se trouve la Maçonnerie Française Contemporaine pour s’élever à la hauteur philosophique des Fondateurs de l’Ordre. Il était permis de supposer jusqu’ici que cette ignorance déplorable qui fait la honte des Maçons modernes, se trouvait circonscrite uniquement aux Grades les plus inférieurs, mais que les Hauts Grades au moins restaient détenteurs de quelques lueurs de Science.

Cette dernière illusion, hélas ! il faut se résoudre à la perdre ; car voici que les plus Hauts Dignitaires de la Hiérarchie Maçonnique se chargent de proclamer eux-mêmes la nullité complète de leur Instruction Initiatique, en élaborant un travail qui est en son genre une véritable monstruosité.

Mais si pareille obscurité règne au sommet de l’édifice, que penser de l’épaisseur des ténèbres qui en entourent la base ? Et on ose après cela parler encore de lumière ! L’ignorante ineptie de certains Maçons est de plus aggravée par l’étalage d’une vanité aussi naïve que sotte. Après avoir transformé un Chef-d’œuvre, qui dépassait les bornes étroites de leur compréhension, en une niaiserie plate et insignifiante, ils ne craignent pas d’afficher l’insolente prétention de donner l’exemple à ceux qui n’osent trancher avec la même effronterie des questions dont ils pressentent l’importance ; ils se proclament ainsi les Apôtres du progrès.

Étrange Progrès ! Il est vrai que, dans les nouveaux Rituels, ils reconnaissent eux-mêmes : « que le Progrès est lent et que l’Évolution humaine est complexe. » Fort complexe, en effet !

Veuillez excuser, mes Frères, la franchise brutale de mon langage. Ma critique est amère ; mais elle ne doit pas vous offenser. En cherchant à vous montrer dans la Franc-Maçonnerie un côté qui vous était peu connu, mon intention était avant tout de vous donner d’utiles conseils, qu’il vous sera facile de mettre en pratique pour le plus grand profit d’une Institution à laquelle j’ai voué le plus profond attachement.

Les rapports qui existent entre Initiation Adonhiramite et les Sciences Occultes ont dû vous faire comprendre tout ce qu’il à de faux et d’équivoque dans la situation actuelle de la Franc-Maçonnerie Française. C’est cette situation si peu claire, si peu franche, qui a fait sentir à tous la nécessité d’une série de réformes et en particulier de celle de la Révision des Rituels. Cette Révision était urgente ; mais le Grand Collège des Rites ne s’est pas montré à la hauteur de sa tâche. Il devait faire de deux choses l’une : ou, se placer au point de vue de l’initiation en se constituant le défenseur, le gardien fidèle de la Tradition Symbolique ; ou, revenir à la Maçonnerie pure, en entreprenant une Révision profonde de nos Rituels, dont il eût fallu retrancher alors tout ce qui ne se rapporte pas à l’art de bâtir.

En dehors de ces deux solutions qui sont nettes et catégoriques, on ne pouvait tomber que dans des compromis dans le genre de celui que consti-