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s’exercer, mais dont la nature serait telle qu’entre des mains indignes ou inhabiles cette mystérieuse puissance ferait autant de mal qu’elle peut faire de bien sous la direction d’un véritable initié.

Je crois inutile, mes Frères, de pousser plus loin ces explications ; il me suffit, pour l’instant, de vous avoir indiqué la raison d’être de la discipline, du secret et des épreuves dans les Initiations.

Ces épreuves étaient précédées par une enquête sévère et minutieuse sur la moralité, le caractère et les antécédents du postulant à l’Initiation, dont la valeur intellectuelle et morale se trouvait ainsi suffisamment garantie pour que les épreuves physiques qu’on faisait subir au récipiendaire en lui conférant les grades qu’il avait mérités, aient bien moins pour but, aux yeux des Initiés, de s’assurer du courage et de l’énergie du candidat que de lui servir d’enseignement.

Le Néophyte devait s’attacher, en effet, à deviner la signification cachée des épreuves « mystérieuses et emblématiques » qu’il venait de traverser. Si la Nature l’avait alors doué de cette perspicacité subtile dont elle gratifie les hommes qu’elle veut élever au-dessus du commun des mortels, il découvrait graduellement dans cette suite de cérémonies, bizarres et puériles pour le profane, tout un programme d’études profondes ; les grandes lois de l’Initiation se révélaient à son esprit ravi, et il entrait réellement dans une vie supérieure. Si, au contraire, cette sagacité naturelle lui faisait défaut, le nouvel Initié ne comprenait rien à ce qu’il avait vu, entendu et éprouvé. Ne possédant de l’Initiation que la lettre qui tue sans l’esprit qui vivifie, il n’avait en réalité de l’Initié que le nom, et allait grossir le nombre déjà grand des Appelés qui ne sont pas des Élus. Arrêté à la porte du sanctuaire, dont le dehors seul lui était connu, il ignorait à jamais les splendeurs brillantes du dedans et n’obtenait aucun avancement dans la hiérarchie des grades initiatiques.

Ce qui précède doit vous faire comprendre, mes Frères, l’importance capitale d’un Rituel en matière d’initiation. On ne doit y trouver aucune phrase sans portée, aucun détail sans signification. Chaque partie doit concourir à former un tout harmonieux, et, pour y apporter la moindre retouche, il est indispensable de posséder l’Initiation intégrale et complète. C’est pour cette raison que le Grand Collège des Rites s’est trouvé chargé de cette mission ultradélicate. Nous verrons plus loin comment se sont tirés de cette tâche ardue les sommités initiatiques de la Maçonnerie contemporaine (du Grand Orient de France).

Permettez-moi de clore en attendant ces considérations générales sur l’Initiation Occulte et la Franc-Maçonnerie. Vous constaterez que ce sont là deux choses distinctes que l’on a tort de confondre et surtout d’entremêler.

L’initiation est une école supérieure, destinée à former des « Sages », ou, ce qui signifie la même chose, des « Mages », c’est-à-dire de ces êtres invraisemblables ne conservant de l’Humanité que tout juste l’aspect extérieur, mais dont l’esprit émancipé s’élève jusqu’à ces hauteurs inouïes où l’homme se transfigure en demi-Dieu.

La Franc-Maçonnerie, moins ambitieuse dans ses visées, se contente du rôle d’école secondaire, et ne s’adresse aux hommes nés libres et de bonnes mœurs que pour en faire de bons et honnêtes ouvriers, habiles à façonner la pierre, et travaillant avec assiduité à la construction du Grand Temple du Progrès.