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prétendent se conformer aux lois de la nature qui, elle aussi, dissimule sans cesse, sous le manteau des apparences matérielles, l’essence impénétrable des choses. La nature reste ainsi la suprême Initiatrice, la grande Isis, que nul n’a jamais vue sans voile.

Vous voyez par là, mes Frères, que, telle que vous la comprenez, la Franc-Maçonnerie s’accorde fort mal avec l’Initiation. La suite ne pourra que vous confirmer dans cette manière de voir.

Quelle est maintenant la nature de ces choses cachées pour le profane et dont l’Initié seul possède le secret ? Car il s’agit d’un secret, et d’un secret précieux ou redoutable, à en juger par le soin jaloux que mettent à le garder ceux qui en sont les détenteurs privilégiés…

Ce secret… n’est autre que celui des opérations de la nature. Il a la prétention de résoudre les questions les plus graves qui peuvent préoccuper l’Humanité, de fournir une explication rationnelle aux faits les plus incompréhensibles, d’être enfin la solution de tous les problèmes, le mot de toutes les énigmes et la clef de tous les mystères. C’est l’incommunicable grand Arcane des adeptes de la Kabbale ; c’est la Pierre Philosophale des Alchimistes hermétistes ; c’est la Parole Sacrée que cherchent les Maîtres Maçons.

Mais pourquoi mettre sous le boisseau une lumière aussi brillante ? Pourquoi en faire l’apanage de l’extrême petit nombre, quand l’Humanité tout entière devrait pouvoir en profiter ?

Il y a à cela plusieurs raisons.

Rappelons-nous d’abord que, semblables aux estomacs débiles, qui rejettent une nourriture trop forte sans pouvoir la digérer, de même les cerveaux étroits de la plupart des humains feraient de vains efforts pour s’assimiler des idées auxquelles ils ne sont nullement préparés. Pour quiconque n’a pas fait des études préalables, le langage technique de nos sciences officielles reste inintelligible : mais ce qui, pour ces sciences, n’est que difficulté relative, devient impossibilité absolue dès qu’on aborde le domaine de l’Occultisme, Un enfant à qui on enseignerait les mathématiques supérieures en retiendrait peut-être quelque chose ; mais, à coup sûr, on perdrait son temps et ses peines à vouloir faire comprendre à une taupe aveugle l’existence du soleil.

Si tout le monde n’est pas accessible à l’initiation, n’en incriminez pas les Initiés ; mais faites-en retomber la responsabilité sur la Nature elle-même, qui a trouvé bon de ne pas donner à chacun des yeux pour voir et des oreilles pour entendre.

Une autre raison, qui fait aux Initiés un devoir de ne pas jeter leur science à la tête du premier venu, cest qu’un grand nombre de ces têtes n’en supporteraient pas le choc. La lumière trop vive éblouit et aveugle : de même, une vérité trop élevée trouble la raison et peut la faire perdre.

Le silence des Initiés se base enfin sur une dernière raison qui n’est pas la moins grave. Le secret initiatique n’est pas qu’une simple théorie, et, sous peine d’erreur grossière, ceux qui sont parvenus à en découvrir ne fût-ce qu’une faible partie, ne doivent pas être considérés comme de stériles abstracteurs de quintessence ou d’inoffensifs rêveurs. La théorie conduit à la pratique, et l’abstraction pure ne serait rien, si elle ne menait pas à une réalisation effective.

L’occultisme a donc la prétention de douer ses adeptes de pouvoirs auxquels ceux qui abordent ce genre d’études ne prennent pas toujours le soin de