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« Ce que Nous demandons, c’est que, par un retour sincère aux principes chrétiens, l’on rétablisse et l’on consolide entre patrons et ouvriers, entre le capital et le travail, cette harmonie et cette union qui sont l’unique sauvegarde de leurs intérêts réciproques, et d’où dépendent à la fois le bien-être privé, la paix et la tranquillité publiques. »

Mais les apôtres de l’anarchie, les francs-maçons haineux qui soufflent l’incendie, qui allument la guerre des classes, n’ont que faire des enseignements du pape. « Tout cela, disent-ils à l’ouvrier qu’ils trompent, tout cela, c’est de la théorie imaginée pour perpétuer ton esclavage. »

Il y a des fous qui écoutent, qui croient sur parole ces apôtres de destruction ; ils sont flattés d’entendre dire que tous les hommes sont égaux de par la nature et que dans la société future, nouvel âge d’or, il n’y aura ni chefs ni aucun genre de direction. Ils ne voient pas, tant est grande leur cécité, qu’en ce moment même ils sont dirigés et qu’ils ont des chefs comme dans tous les partis.


Avec Proudhon, on vit l’aurore de l’anarchie. Bakounine devait bientôt constituer le parti. Et maintenant nous allons voir si les anarchistes sont vraiment sans chefs.

Né en 1814, à Torschov, dans le gouvernement de Twer (Russie), fils d’un propriétaire, Michel Bakounine s’était d’abord destiné à l’armée. De l’école des Cadets, à Saint-Pétersbourg, il était entré dans l’artillerie de la garde impériale, avec le grade d’enseigne ; mais bientôt, en 1835, il avait donné sa démission. Six ans après, il quittait son pays, venait à Berlin, puis à Dresde, où il se lia avec Arnold Ruge, un des disciples d’Hegel. C’est à cette connaissance qu’il dut, sans doute, sa chute définitive dans les intrigues révolutionnaires. Ruge était, en effet, un sectaire de la pire espèce ; on sait qu’il fit partie, quelques années après, du fameux comité de haute conspiration maçonnique établi à Londres par les FF∴ Mazzini, Ledru-Rollin, Daracz, Bratiano. Quant au jeune Bakounine, il suivit d’abord Ruge à Paris, ensuite à Zurich ; à cette époque, il était déjà affilié aux loges.

Ces fréquentations suspectes lui valurent un rappel du gouvernement impérial ; mais il refusa formellement de rentrer en Russie, et ses biens furent confisqués.

Il avait alors brûlé ses vaisseaux. On le retrouve à Paris, en 1847, où il collabore à la Réforme du F∴ Flocon. Dans les clubs, il prononce des discours contre le tsar ; d’où son expulsion par le gouvernement de Louis-Philippe ; mais la République lui permet bientôt de rentrer en France. Il n’y a reste, du reste, que peu de temps. En juin 1848, il est à Prague, et prend part à une insurrection. L’émeute vaincue, il file à Leipzig. La révolution saxonne éclate à Dresde, il s’y rend et finit par être pris. On le condamne à mort ; sa