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Vous êtes appelés de la sorte, mes Frères, à faire un choix que je désire éclairer de mon mieux. Dans ce but, et afin que vous puissiez vous prononcer en pleine connaissance de cause, je m’attacherai d’abord à vous donner une idée exacte de l’importance des anciens Rituels au point de vue de l’Initiation occulte, dont ils renferment les lois, pour former sous ce rapport les codes les plus parfaits que l’on puisse imaginer.

Je vous démontrerai ensuite que les changements qui viennent d’y être apportés enlèvent à nos Rituels toute espèce de valeur philosophique. Puis, je compte vous faire reconnaitre que les Rituels ainsi modifiés sont loin de répondre aux besoins actuels et futurs de notre Institution, mais constituent en réalité une demi-mesure maladroite, une solution bâtarde, qui, sous prétexte de concilier toutes les exigences, n’aboutira finalement qu’au mécontentement général. J’en conclurai à la nécessité d’une réforme profonde et radicale, portant sur l’ensemble de l’organisation du Grand Orient de France en vue de mettre notre Obédience en état d’accomplir la mission qu’elle croit devoir s’imposer. J’estime en cela qu’il s’agit avant tout d’être logique avec soi-même, de savoir ce que l’on veut faire, et de s’organiser en conséquence. On ne devra tenir compte dans ce cas que des besoins modernes de l’Ordre, en laissant de côté tout ce qui, dans la tradition du passé, peut être gênant pour la marche libre et ferme de la Franc-Maçonnerie, vers les destinées que lui réserve l’avenir.

L’examen des anciens Rituels va me faire entrer dans un ordre d’idées qui ne manquera pas, mes Frères, de vous paraître fort étrange, étant donné que vous n’avez sans doute pas eu la fantaisie de vous occuper de ce qu’on appelle « les sciences occultes ».

C’est pourtant dans ce domaine, plus que discrédité aujourd’hui, que nous sommes obligés d’aller chercher la clef de nos mystères. En vous en donnant la preuve, je n’ai nul autre dessein que d’arriver à vous convaincre de la nécessité qui s’impose aux Maçons modernes de renoncer à la prétention qu’ils peuvent avoir, d’être les successeurs, les représentants actuels des Initiés antiques. Pourquoi conserver à notre Institution ce caractère mystérieux qui en impose si peu au public profane et auquel les Maçons eux-mêmes sont les premiers à ne rien comprendre ? Ne feraient-ils pas mieux de rejeter ce qui à leurs propres yeux n’est plus qu’une défroque usée et démodée, dont ils s’affublent par routine, plutôt que de persister dans des usages qui ne peuvent que les embarrasser et les couvrir de ridicule ?

    accréditées par les Maçons eux-mêmes dans le monde profane. En 1887, le Grand Orient se proclame athée. Il promulgue un rituel réformé, duquel est bannie toute idée de l’existence de Dieu. Les anciennes formules de serment, si solennelles, sont remplacées par de simples promesses, attendu le sens religieux que le monde profane reconnaît au serment. La traditionnelle et célèbre dénomination du Grand Architecte de l’Univers, si peu compromettante et qui de tout temps avait si peu gêné l’œuvre maçonnique, disparait elle-même au grand scandale des frères protestants » (pages 1-2). « Le Grand Orient supprime le poignard, les pantomimes de vengeance, de meurtre, et tout le charlatanisme mystique où l’on faisait intervenir, per exemple, la croix, les trois vertus théologales, et divers emblèmes religieux. Les rédacteurs du rituel ont pensé probablement qu’il était, à notre époque, très inutile d’employer des moyens matériels, une mise en scène spéciale, compliquée de cérémonies terribles, pour suggérer à un franc-maçon des pensées parfaitement banales autour de lui, des vues de la société que les journaux radicaux discutent tous les jours à l’usage du public indistinctement profane ou maçon » (pages 5-6).